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TRAITÉ DU DÉLIRE, APPLIQUÉ À LA MÉDECINE, À LA MORALE ET À LA LÉGISLATION

Publié à Paris en 1816 chez Crapelet puis en 1817 chez Croullebois, le Traité du délire est, avec le Traité de médecine légale et d'hygiène publique ou de police de santé (1813), l’œuvre la plus importante de François-Emmanuel Fodéré (1764-1835), botaniste, médecin, aliéniste et professeur titulaire de la première chaire de médecine légale créée en 1814 à l’université de Strasbourg.

Épais ouvrage (plus de mille pages) comprenant deux volumes, le Traité du délire inscrit de plein droit Fodéré dans ce qu’on peut considérer comme la protohistoire de la psychiatrie, un terme qui se substituera progressivement à celui d’ aliénisme dans la seconde moitié du xixe siècle. Son travail a été influencé par les pères fondateurs de la science psychiatrique : Mason-Cox, Haslam, Tuke, de La Rive, Flajani, Pinel, Esquirol. Avec ces deux derniers, Fodéré est un des promoteurs du « traitement moral » de la folie, à savoir une thérapeutique qui s’exerce dans des établissements fermés visant à rendre sa raison au fou. Cela suppose que soient définis les traits spécifiques de l’aliéné, en le distinguant des malades organiques ou encore des criminels avec lesquels il avait été longtemps confondu.

Délire et folie

Fodéré est convaincu que folie, crime et civilisation constituent trois phénomènes interdépendants. Ce ne sont pas la pauvreté et le défaut d’instruction qui conduisent aux actes criminels ou aux comportements délirants. Bien plutôt, le progrès et la diffusion des biens et des savoirs – dans la mesure où ils entraînent l’illusion d’une « indépendance religieuse, morale et matérielle » – sont les causes principales de la « dissolution des mœurs ». Libertinage, adultère, débauche, cupidité, voilà ce qui conduit au délire et au crime. L’aliéniste se voit alors attribuer une tâche tout à la fois médicale, morale et sociale : déterminer l’étiologie de la folie et des délires ; soigner les altérations physiques et morales des aliénés ; contribuer à la préservation et au perfectionnement de la santé morale de la société tout entière.

Le Traité du délire suit une méthode expérimentale qui accorde une importance essentielle à l’observation clinique mais réfute tout empirisme facile. On ne peut se contenter des simples observation et description des faits, mais on doit rechercher les causes de la folie. Ces dernières, du reste, ne sont pas seulement matérielles, mais ne relèvent pas pour autant de chimères métaphysiques. Fodéré affirme la dualité de l’homme : corps et esprit, physique et moral. Or le délire trouve son siège tout aussi bien dans un organe malade, une activité spirituelle pervertie, que dans l’altération du fluide vital qui précisément relie et met en communication l’activité pensante, le corps et le monde extérieur, produisant une multiplicité d’affections et de mouvements. Sous l’effet de passions et d’impulsions vives, mais aussi des tempéraments, climats, mœurs, conditions générales de vie, ce principe vital peut se corrompre jusqu’à provoquer des lésions dans les facultés de l’esprit.

Fodéré distingue soigneusement folie et délire. La folie est un état relativement répandu consistant dans l’excitation partielle, temporaire et parfois même volontaire des facultés de l’esprit, sans qu’elle entraîne la corruption de la sensibilité et des sensations, lesquelles demeurent accessibles au raisonnement. Le délire implique au contraire un égarement des sens que l’esprit n’est plus capable de maîtriser, perdant alors toute faculté de jugement et sa propre liberté. C’est ce dernier état que le médecin doit prioritairement prendre en charge ; c’est le délire qui implique nécessairement, à la différence de la folie, l’ internement dans une maison de soin.

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Écrit par

  • : docteure en philosophie, chercheuse invitée à la Bibliothèque nationale de France

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