TRAITÉ DU DÉLIRE, APPLIQUÉ À LA MÉDECINE, À LA MORALE ET À LA LÉGISLATION
Des lieux séparés
La description des asiles d’internement destinés aux aliénés constitue une part importante et même décisive de l’ouvrage de Fodéré. L’influence des familles, malgré la sincérité de leur sollicitude, est jugée des plus néfastes, dans la mesure où elle entretient le malade dans les mécanismes affectifs pervers qui ont précisément provoqué le délire. Seules l’évidence d’une soumission à l’autorité absolue du médecin et l’insistance continue d’une discipline assujettissant l’aliéné aux instances soignantes peuvent permettre de déclencher le processus de la guérison. Fodéré prône ainsi un isolement total dans des bâtisses isolées, plongées dans la nature, qui prennent dans ses descriptions la forme utopique des châteaux romantiques.
Fodéré n’ignore pas pour autant les risques de réclusion arbitraire. Pour prévenir ces abus, mais tout autant pour permettre une protection optimale de la société face aux dangers criminels liés aux délires, il exige un recours toujours plus massif à l’expertise des médecins aliénistes dans l’enceinte des tribunaux. Les soins que la société doit aux aliénés ont des objectifs variés : leur bien-être, leur guérison, et la sûreté comme le maintien de la morale publique. La loi du 30 juin 1838 visera ainsi à améliorer les conditions d’ internement des malades. Fodéré peut donc être considéré à juste titre, comme le note Michel Foucault au début de son cours au Collège de France, Le Pouvoir psychiatrique (1973-1974), comme un des pères tout à la fois de la psychiatrie, de la médecine légale et de la psychiatrisation croissante des pratiques judiciaires tout au long du xixe siècle.
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Écrit par
- Arianna SFORZINI : docteure en philosophie, chercheuse invitée à la Bibliothèque nationale de France
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