TRAJAN (53-117)
Un stratège
Ce meilleur des princes a surtout laissé une image de guerrier. Il a d'ailleurs tout fait pour diffuser ce portrait, en utilisant dans sa propagande en particulier le thème de la fortitudo (le courage), surtout à partir de 112, année où le bellicisme prend le pas. Qu'en est-il en réalité ?
Nous savons que les armées impériales ont été engagées sur plusieurs fronts. En Afrique, le quartier général est transféré de Tébessa à Lambèse, et l'Aurès est encerclé : ce mouvement a pour conséquence d'assurer un meilleur contrôle des hautes plaines du Constantinois, riches en blé : l'approvisionnement de Rome est mieux assuré. Cette extension territoriale, qui a parfois échappé aux historiens, ne devrait pas être négligée.
Mais la première grande entreprise du règne, à cet égard, reste la conquête de la Dacie (101-106), menée contre le roi Décébale, qui avait humilié Domitien, et restée célèbre grâce à la Colonne Trajane qui la raconte en images (en images sans légendes, ce qui explique les divergences entre archéologues sur les détails). L'empereur participe en personne aux expéditions. Il se fait seconder par l'architecte Apollodore de Damas qui le conseille pour les travaux de génie. Douze légions, et leurs auxiliaires, sont engagées dans le conflit, soit quelque cent vingt mille hommes. Les opérations se déroulent en deux phases, séparées par une trêve. En 101, une première offensive aboutit à la victoire de Tapae et, surtout, au succès qui eut peut-être pour cadre le site d'Adam-Klissi (d'où, sans doute, le monument célèbre qui y a été retrouvé). Conscient de sa faiblesse, Décébale accepta une période de paix (102-105) qui lui permit de se renforcer, puis il attaqua. Trajan réagit avec énergie. Deux armées se dirigèrent vers la capitale dace, Sarmizegetusa ; l'une passa par Drobeta, l'autre emprunta la vallée de l'Olt. Après la prise de la ville, le roi vaincu s'enfuit ; rattrapé, il se suicida : on a retrouvé à Philippes la sépulture du soldat qui ramena sa tête à Trajan. Ce succès eut deux conséquences : le territoire vaincu fut transformé en province et romanisé (de là son nom actuel de Roumanie) ; l'or des Daces vint gonfler les finances impériales. Mais cette victoire fut-elle un triomphe aussi extraordinaire que le rapporta la propagande de Trajan, et que le rapportent encore bien des historiens ? Il suffit de regarder une carte pour constater qu'entre l'Empire romain et le Royaume dace existait un formidable déséquilibre de superficies et donc de potentiels humains ; Trajan a certes remporté la victoire, mais cette victoire était inéluctable.
L'autre grande affaire du règne est la guerre contre les Parthes (113-117). On admet en général qu'elle a été préparée par la constitution de la province d'Arabie et par l'envoi de Pline le Jeune en Bithynie. Il n'en est rien. La conquête en 106 de la Nabatène devenue Arabie n'est que l'achèvement d'un processus entamé depuis plusieurs décennies : la transformation des protectorats en provinces. Là encore, une simple carte montre que la uia noua Traiana se situait loin de l'État parthe dont elle est séparée par un désert. Quant au passage de Pline en Bithynie, il est connu grâce aux lettres laissées par ce personnage : aucune ne permet de penser que cette mission ait eu le moindre lien avec les affaires parthes.
L'entreprise semble avoir été conçue en 112. Trajan voulait sans doute marcher sur les pas d'Alexandre qui resta pendant toute l'Antiquité une figure mythique. Il faut aussi faire intervenir des considérations d'ordre économique, l'appât du butin, l'attrait de nouvelles annexions et le désir de contrôler le commerce transitant par le golfe Persique. Le besoin de sécurité joua aussi : l'Empire parthe constituait le seul État puissant[...]
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Écrit par
- Yann LE BOHEC : professeur à l'université de Grenoble
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DÉCÉBALE (mort en 106) roi des Daces
- Écrit par Encyclopædia Universalis
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