TRAJECTOIRES DU RÊVE (exposition)
Les organisateurs de l'expositionTrajectoires de rêve, du romantisme au surréalisme ont œuvré, comme souvent au pavillon des Arts (Paris), à brouiller les frontières tissant des fils par-delà les siècles, du romantisme au surréalisme, entre la littérature et les arts plastiques, entre l'art et la science. En cela, ils se montrèrent fidèles au but qu'assignait André Breton à l'activité surréaliste dans son Second Manifeste, à savoir la détermination de ce « point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoirement ». La sélection d'œuvres, centrée sur le rêve, ses manifestations et ses multiples possibilités poétiques, explorait les rapports entre représentation, rêve et réalité, sur le terrain favori des investigations surréalistes, esquissé dès le Manifeste de 1924 : « Je crois, écrit alors Breton, à la résolution future de ces deux états, en apparence si contradictoires, que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue, de surréalité, si l'on peut ainsi dire. C'est à sa conquête que je vais, certain de n'y pas parvenir, mais trop insoucieux de ma mort pour ne pas supputer un peu les joies d'une telle possession. » Il en est résulté une exposition foisonnante, au risque du décousu, adhérant à son objet jusqu'à en adopter la couleur, cette « couleur du rêve » qui, selon Annie Le Brun, l'un des auteurs du catalogue, « vient du noir et y ramène » : on conserve en effet de la visite le souvenir d'une relative pénombre, traversée d'éclats d'intense lumière. Et l'on ne peut manquer de voir dans ce parti pris scénographique, au-delà de la simple et littérale évocation des zones d'ombre de l'esprit humain dans lesquelles romantiques et surréalistes ont résolument plongé, une tentative pour rendre la fulgurance de la découverte évoquée par Breton dans son Art poétique : « Œuvrant dans l'obscur, j'ai trouvé l'éclair. »
La mythologie, avec ses cortèges de monstres, d'hybridations et de métamorphoses, a toujours constitué une voie d'accès privilégiée à un univers fantastique proche de celui du rêve ; ce n'est toutefois que pour préserver plus sûrement l'intégrité du réel. Avec les romantiques, d'autres approches se font jour, qui bouleverseront durablement l'approche de la création. De l'art de la tache élaboré par Alexander Cozens aux dessins de Victor Hugo, des pierres collectionnées et étudiées par Roger Caillois, aux frottages de Max Ernst et aux décalcomanies d'Yves Tanguy, l'esprit œuvre par associations d'idées, pour faire surgir d'amas de matière aux configurations incertaines des images familières ou du moins identifiables – paysages imaginaires, animaux ou bien figures. La nature et le hasard se révèlent ainsi créateurs de formes artistiques, tandis que l'art et l'esprit affirment leur capacité à engendrer des formes naturelles, en dehors du contrôle de la raison. Ce sont ces mécanismes mentaux plus ou moins conscients qui retiennent les surréalistes, d'où le profond intérêt qu'ils manifestent pour les expériences de divination : dessins de médiums (Augustin Lesage ou Victorien Sardou) et photographies de pensée (par Darget) constituent autant de manifestations du pouvoir de l'esprit libre. À la recherche de cette liberté absolue, les artistes, encouragés par les découvertes de la psychanalyse, inventent bientôt diverses techniques automatiques de surgissement d'images, transformant – c'est là tout le paradoxe de l'art surréaliste – l'apparition spontanée de formes en exercice volontaire.
En ce début[...]
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Écrit par
- Guitemie MALDONADO : professeur à l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris
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