CÉNOMANIENNE TRANSGRESSION
Une tentative d'explication
Sur l'ensemble des continents, la grande marée mésocrétacée fut un événement considérable qui demande une explication générale.
On peut ramener à deux idées les différentes tentatives historiques d'interprétation des grandes transgressions. – Ce sont les continents et les fonds océaniques qui, par leurs mouvements respectifs, provoquent ces déplacements des côtes. E. Haug, en 1900, généralisa cette théorie qui acquit la valeur d'une loi : toute transgression sur une plate-forme continentale résulte d'une régression sur les géosynclinaux. – C'est le niveau de la mer qui s'élève par rapport à l'ensemble des continents. E. Suess fut, en 1890, le premier à évoquer ces oscillations propres de la surface des océans : il les nomma mouvements eustatiques, mais n'en chercha pas les causes.
Il convient d'abord de se demander dans quelle mesure des déformations tectoniques peuvent faire varier le niveau des mers.
Dans le temps d'une orogenèse, aucun fait ne permet d'admettre une variation sensible du volume global de la Terre ni de celui des eaux. Si ces deux prémices sont adoptés, seule la modification du volume des terres émergées peut modifier le niveau des mers : un orogène ne peut modifier ce niveau que s'il participe à un accroissement du volume continental, ce qui ne saurait se produire avant son émersion.
Si l'on adopte cette perspective, la « loi de Haug » pourrait se vérifier localement, dans la mesure où certains panneaux de l'écorce terrestre réagissent régionalement par subsidence à une montée des fonds océaniques, mais le postulat précédent implique que l'émersion d'une chaîne importante ne peut qu'entraîner un abaissement du niveau des mers : des transgressions locales s'opposeraient, dans le même temps, à une régression générale. Les faits contredisent d'ailleurs la loi de Haug, puisque la transgression mésocrétacée intéresse les cordillères et les sillons autant que les plates-formes.
Ce qui est important, c'est que cette transgression se situe dans une longue période de calme orogénique (« orogénique » est pris dans son sens strict de générateur des terres émergées), car des déformations comme celles des Pyrénées ou des Alpes autrichiennes n'ont été que des épiphénomènes. Le dernier orogène, antérieur à cette période, a construit la Sierra Nevada et toute une partie des Andes à l'orée du Crétacé ; le prochain naîtra au Crétacé supérieur, avec les débuts de la chaîne alpine et les montagnes Rocheuses. Ainsi, le seul caractère général des 50 premiers millions d'années de l'histoire du Crétacé est un calme orogénique relatif. C'est sur cette base qu'il faut tenter de rechercher une explication : quels agents peuvent, dans ce laps de temps, provoquer une montée régulière du niveau des eaux ?
Le glacio-eustatisme ne fournit pas de solution, car il n'y a pas de glaciations jurassiques et, dans l'hypothèse où l'on accepte le postulat de l'eustatisme général, c'est-à-dire si l'on rejette des explications comme la contraction du globe terrestre, seule une diminution du volume des terres émergées peut faire monter le niveau général des mers.
Or, l' érosion est un fait géologique majeur, constant, général, qui détruit inlassablement l'œuvre de la tectonique : dans des temps plus anciens, elle a aplani plusieurs chaînes de montagnes et comblé les fonds océaniques ; les observations les plus pessimistes admettent une ablation minimale de deux centimètres tous les 1 000 ans. Cela signifie, en tenant compte du réajustement isostatique, que l'érosion actuelle serait capable, en l'absence de nouvelles constructions orogéniques, de détruire les continents en soixante ou quatre-vingts millions d'années, c'est-à-dire en un temps[...]
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Écrit par
- André JAUZEIN : professeur à la faculté des sciences de l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie, directeur du laboratoire de géologie de l'École normale supérieure de Paris
- Charles POMEROL : professeur à la faculté des sciences, université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
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AFRIQUE (Structure et milieu) - Géologie
- Écrit par Anne FAURE-MURET
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