TRANSHUMANISME
Apparue dans la seconde moitié du xxe siècle,la notion de transhumanisme repose sur la conviction, propagée par un nombre croissant de scientifiques et de futurologues, qu’ une évolution voulue, orientée, choisie de l’espèce humaine est désormais possible, en s’appuyant sur des techniques nouvelles qui permettent d’intervenir non seulement sur l’individu mais aussi, à travers lui, sur l’espèce. Il s’agit de remplacer une évolution biologique commandée par « l’horloger aveugle » – expression du biologiste spécialiste de l’évolution Richard Dawkins – par une évolution programmée de l’humanité grâce aux sciences et aux techniques. Cette évolution doit nécessairement conduire à la production d’une humanité « augmentée », donc plus heureuse. D’une certaine façon, il s’agit aussi de renouer avec l’idée, héritée des Lumières, d’un progrès continu de l’humanité par la science et les techniques, une idée enfin devenue programmatique. Quoi qu’il en soit, les perspectives transhumanistes suscitent d’importants débats en philosophiemorale.
L’homme augmenté
Les techniques qu’invoquent les courants transhumanistes pour appuyer leurs espérances se trouvent à la rencontre des technologies du numérique et de celle des nano-mondes. On parle aussi à propos de cette convergence des technologies NBIC, champ interdisciplinaire où collaborent nano- et biotechnologies, informatique et sciences cognitives :
On y trouve d’abord le génie génétique, et la possibilité qu’il offre d’intervenir directement sur les mécanismes de l’hérédité.
Vient ensuite la prothétique, où la prothèse – l’appareillage remplaçant un membre manquant depuis la naissance ou après accident – permettra de passer de l’homme réparé à l’homme « augmenté ». Toute une série de prothèses nouvelles sert désormais à amplifier les capacités physiques.
Puis, avec la robotique et l’idée du « cyborg » (organisme cybernétique), il s’agit de faire apparaître des êtres hybrides entre l’organique et l’électromécanique. Illustrées par les performances d’art corporel d’un artiste comme Stelarc, les expériences de fusion du corps humain avec des éléments commandés électroniquement, grâce à des connexions entre le système nerveux et des capteurs électroniques, donnent une idée des possibilités ouvertes dans ce champ. Il existe déjà plusieurs cas d’implantation dans un corps humain de puces électroniques permettant une liaison avec un ordinateur ou tout autre dispositif commandé par un processeur.
Enfin, l’intelligence artificielle, sous ses formes classiques par manipulation syntaxique de signes ou sous ses formes neuro-mimétiques, peut décupler, en nous liant à l’ordinateur, notre puissance cognitive. D’immenses réseaux changent notre manière d’interagir avec les autres, avec le monde et tous les savoirs, en l’amplifiant.
Toutes ces techniques qui se chevauchent, souvent en interaction, font appel de manière plus ou moins importante au numérique, c'est-à-dire à la possibilité de stocker, transmettre, modifier l’information (données chiffrées, textes, sons, images fixes ou mobiles) sous forme de nombres généralement codés en binaire. Toute information, qu’elle soit de nature continue comme une mélodie ou discrète comme une énumération, peut prendre cette forme discontinue et discrète sans perte significative. C’est pourquoi « l’extropie » souvent citée, vue comme l’inverse de l’entropie, signifie pour le transhumanisme la perspective d’un développement sans fin rendu possible par le numérique. En effet, le transhumanisme ne fait jamais référence à un état futur de perfection que l’on pourrait atteindre même dans un futur très éloigné, mais bien plutôt à un progrès indéfiniment entretenu, fondé sur les techniques. Les maîtres mots du transhumanisme sont ceux d’augmentation, d’amélioration, d’accroissement, qu’il s’agisse[...]
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Écrit par
- Gérard CHAZAL : professeur des Universités honoraire, université de Bourgogne
Média
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