TRANSITION ORDRE-DÉSORDRE
Paramètres d'ordre à longue et courte distance
Revenons maintenant au type de désordre que nous avons qualifié de réticulaire et cherchons à définir des paramètres susceptibles de le décrire quantitativement. Pour faire image, référons-nous au cas de l'alliage AB déjà évoqué et décrit dans la figure. Deux options peuvent être prises. La première consiste à s'intéresser au voisinage immédiat de chacun des atomes, c'est-à-dire à l'ordre local, ou ordre à courte distance, comme nous venons de le faire dans le cas du désordre topologique. Soit Z le nombre de premiers voisins d'un site de la matrice. Supposons que ce site soit occupé par un atome A, le nombre Z peut être divisé en deux parts : Z′ sites occupés par des atomes B et Z″ par des atomes A. Le rapport η = (Z′ − Z″)/Z peut être utilisé pour décrire l'ordre local, les nombres Z′ et Z″ représentant les valeurs moyennes prises sur l'ensemble des sites de la matrice. η est appelé paramètre d'ordre à courte distance. Dans l'état parfaitement ordonné, on a Z′ = Z et Z″ = 0, donc η = 1. Dans l'état parfaitement désordonné, Z′ = Z″, chaque site étant occupé avec la même probabilité par A ou B quel que soit son entourage, donc η = 0. Dans tous les états intermédiaires, on a donc 0 < η < 1.
Mais le fait que, pour ce type de désordre, une matrice subsiste permet aussi de définir un ordre à grande distance. Désignons par α et β les réseaux formés respectivement par les sites occupés, d'une part, par les atomes A et, d'autre part, par les atomes B dans l'état ordonné. Dans un état désordonné, soit N1 le nombre d'atomes A occupant des sites α (ou le nombre d'atomes B occupant des sites β), N2 le nombre d'atomes B occupant des sites α (ou le nombre d'atomes A occupant des sites β) et N = N1 + N2 le nombre total de sites. On définit le paramètre ξ d'ordre à grande distance par le rapport : ξ = (N1 − N2)/N. Lorsque l'ordre est parfait (N1 = N, N2 = 0), ξ = 1 ; lorsque le désordre est statistiquement parfait dans l'ensemble de la matrice (N1 = N2), ξ = 0. Pour tous les états intermédiaires, 0 < | ξ | < 1.
Ces définitions des deux paramètres η et ξ se généralisent aisément au cas de composés de formule AmBn, où m et n peuvent être différents de l'unité (exemple : AuCu3).
Le paramètre d'ordre à courte distance, η, est appelé paramètre de Bethe. Il reflète essentiellement les effets de corrélations, d'interactions entre atomes premiers et, à la rigueur, deuxièmes voisins. Le paramètre d'ordre à longue distance, ξ, est nommé paramètre de Bragg-Williams, du nom des deux auteurs qui ont introduit l'étude des corrélations à grande distance dans les alliages.
Reprenant l'image de l'alliage AB, on peut définir une variable σ qui prend la valeur + 1 sur un site A et − 1 sur un site B. On obtient alors ce qu'il est convenu d'appeler un modèle d'Ising, qui permet, par exemple, de travailler sur l'ordre de spins magnétiques.
Les définitions étant posées, les méthodes de la thermodynamique statistique peuvent être mises en œuvre pour l'étude des variations de η et de ξ en fonction de la température et pour la recherche des corrélations possibles entre η et ξ, les données de départ étant les potentiels d'interaction entre couples d'atomes A-A, B-B, et A-B. Ce problème a donné lieu à un très grand nombre de travaux (Bethe, Bragg et Williams, Ising...) dans lesquels le degré des approximations introduites est plus ou moins grand. Cependant, même dans le cas d'une approximation relativement grossière, on est toujours conduit au résultat schématisé par la figure, qui représente les variations de η[...]
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Écrit par
- Hubert CURIEN : professeur émérite à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie, membre de l'Académie des sciences, ancien ministre
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