TRANSPLANTATION D'ORGANES
Comme toute thérapeutique nouvelle et aléatoire, les premières transplantations d'organes ont soulevé des problèmes éthiques difficiles. Le caractère spectaculaire de cette entreprise a fait que les débats se sont généralement déroulés dans une atmosphère passionnée qui n'a pas facilité la confrontation des points de vue. Certains ont même soutenu qu'il était illégitime de procéder à une transplantation d'organe tant que ne serait pas complètement résolu le problème fondamental de la tolérance des greffes. Contre cette attitude de confort moral, de nombreux médecins ont préféré adopter une attitude plus audacieuse en faisant remarquer qu'il était de toute façon impossible d'extrapoler de l'animal à l'homme, qu'il fallait donc aller de l'avant, même si tous les problèmes biologiques n'étaient pas résolus, et qu'on pouvait raisonnablement parier que des essais humains scientifiquement contrôlés risquaient d'apporter une moisson de connaissances aussi profitables aux malades que celles qui résultent des études de biologie fondamentale. Toutes ces hypothèses sont maintenant vérifiées ; l'audace s'est révélée payante, et l'on peut même dire que les essais cliniques ont constitué le plus puissant stimulant du formidable essor de recherche que l'on constate depuis plusieurs années dans le domaine des greffes. Malgré des résultats statistiquement de plus en plus favorables, chaque cas individuel continue cependant de poser des problèmes parfois difficiles à résoudre en matière d'éthique, comme on le verra dans la dernière partie de cet article. Elle fait suite à des exemples concrets des difficultés techniques qu'il fallait surmonter. Le premier des exemples concerne la greffe du rein, le suivant traite de la transplantation hépatique, mais le lecteur trouvera par ailleurs, dans l'article cœur-Chirurgie cardiaque, l'historique de la transplantation cardiaque. La difficile question de la disponibilité des greffons est traitée dans l'article thérapeutique, thérapeutiques substitutives, auquel nous renvoyons encore le lecteur.
Le vocabulaire
Dans leur sens strict, la transplantation et la greffe diffèrent : la greffe s'applique aux tissus tels que la peau, la cornée ; greffer un fragment de peau d'un individu à un autre individu exige seulement qu'on transfère le greffon sur une surface de dimension égale, où l'on aura au préalable enlevé la peau du receveur ; nulle suture de veine ou d'artère n'est nécessaire ; au contraire, la transplantation d'un organe tel que le rein réclame le rétablissement du courant sanguin, par abouchement de l'artère et de la veine irriguant l'organe à une artère et à une veine du receveur. En pratique, cependant, les mots « greffe » et « transplantation » sont utilisés indifféremment, et l'on parle couramment de greffe du cœur et du rein.
On nomme autotransplantation, ou greffe autologue, le transfert d'un transplant prélevé chez le receveur lui-même, par exemple le transfert d'un rein de sa situation normale, dans la région lombaire, vers un emplacement placé plus bas, dans la région iliaque, chez le même individu (cette intervention s'est parfois montrée utile pour sauver un rein dont l'abouchement artériel normal dans l'aorte était menacé d'obstruction). La transplantation autologue ne soulève d'autre problème que chirurgical : le transplant est immunologiquement toléré puisqu'il ne change pas de propriétaire. Il en est de même dans le cas des transplantations entre jumeaux vrais, qui peuvent être considérés de ce point de vue comme deux exemplaires du même individu : on parle alors de greffe isogénique. Il en est encore de même dans les transplantations entre animaux de race pure obtenus[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Henri BISMUTH : professeur à la faculté, chirurgien des hôpitaux, chef de service
- Jean-François DELFRAISSY : chef de service de médecine interne et maladies infectieuses de l'hôpital Bicêtre, Val-de-Marne, professeur d'immunologie clinique et de médecine interne à la faculté de médecine de Paris-Sud
- Jean DORMONT : ancien doyen de la faculté de médecine de l'université de Paris-Sud
- Jean HAMBURGER : membre de l'Académie française et de l'Académie des sciences
- Didier SAMUEL : docteur en médecine, praticien hospitalier, hépatologue.
Classification
Média
Autres références
-
DÉBUTS DES TRANSPLANTATIONS D'ORGANES
- Écrit par Christian CABROL
- 254 mots
En 1952, à Paris, l'équipe médicale du professeur Jean Hamburger greffa au jeune Marius Renard un rein prélevé chez sa mère. Cette greffe effectuée par Delinotte et N. Oeconomos fut un succès technique, mais l'enfant mourut au vingt et unième jour. La qualité de l'intervention n'était...
-
AGENCE DE LA BIOMÉDECINE
- Écrit par Corinne TUTIN
- 1 153 mots
...la biomédecine est encore bien jeune pour qu'un bilan de son activité puisse être dressé. En tout cas, la journée qu'elle a organisée le 22 juin 2005 sur le don d'organes, qui renouvelait une opération mise en place cinq ans plus tôt par l'Établissement français des greffes, a été un succès. « Alors... -
BARNARD CHRISTIAAN (1922-2001)
- Écrit par Christian CABROL
- 1 169 mots
Figure de la chirurgie cardiaque, le Sud-Africain Christiaan Barnard naît en 1922 dans la petite ville de Beaufort West (Cap-Ouest), dans une famille de quatre enfants dont le père est un pasteur protestant.
Après avoir entrepris ses études primaires dans sa ville natale, il poursuit ses études...
-
CABROL CHRISTIAN (1925-2017)
- Écrit par Gabriel GACHELIN
- 1 041 mots
- 1 média
Christian Cabrol, né le 16 septembre 1925 à Chézy-sur-Marne (Aisne), décédé le 16 juin 2017 à Paris, est connu d’un large public pour être le premier en France à avoir tenté et réussi une greffe du cœur, le 27 avril 1968, sur un malade de soixante-six ans.
Ne retenir que cette...
-
CARDIOLOGIE
- Écrit par Philippe BEAUFILS et Robert SLAMA
- 4 128 mots
- 2 médias
...Depuis des années, des pionniers (à qui revient en fait le vrai mérite), tels Shumway en Californie et Cachera en France, avaient réalisé les premières transplantations cardiaques chez le chien. Mais en 1967, c'est Chris Barnard en Afrique du Sud qui fut le premier à transplanter un cœur chez un homme.... - Afficher les 23 références