TRANSPLANTATION D'ORGANES
Transplantation rénale
Jusqu'en 1959, la transplantation d'organes entre jumeaux vrais paraissait, chez l'homme, la seule possible, de même que, chez l'animal, la greffe entre animaux syngénéiques était seule tolérée. Quelques transplantations de rein entre jumeaux vrais furent réalisées, à Boston, par le groupe dirigé par J. Merrill, et leur succès confirma que le transfert du rein ne soulevait en lui-même aucun problème chirurgical sérieux. Mais, en dehors de ce cas particulier des jumeaux vrais, toutes les tentatives de transplantations allogéniques ou xénogéniques de rein avaient abouti à l'échec : le receveur reconnaissait l'organe greffé comme étranger et mettait en branle le processus immunologique de défense, aboutissant au rejet du rein. En 1952, toutefois, la greffe d'un rein d'une mère à son fils, dont le rein unique avait été détruit par accident, fut tentée par le groupe de J. Hamburger à l'hôpital Necker, à Paris, et fut suivie de la première survie relativement prolongée d'une allogreffe (plus de trois semaines) ; cette observation suggérait le rôle de certains facteurs génétiques et le bénéfice qu'on pourrait tirer d'une sélection du donneur selon certains critères de « compatibilité » tissulaire ou histocompatibilité. Jean Hamburger suggéra, pour cette sélection, de recourir à la comparaison des groupes leucocytaires du donneur et du receveur, groupes que venait de découvrir Jean Dausset et qui devaient recevoir bientôt l'étiquette d'« antigènes HLA » (Human Leukocyte Antigens). L'expérience montra, en effet, que les greffes étaient mieux tolérées si les groupes HLA du donneur et du receveur étaient identiques ou peu différents, ce qui permit d'établir que ces groupes ne caractérisent pas seulement les leucocytes (ou globules blancs sanguins), mais bien les cellules de tous les organes et tissus de l'individu. Ils formaient, en somme, l'homologue des groupes « H2 » déjà décrits par l'Américain Snell chez la souris et, eux aussi, caractéristiques de chaque individu souris. Chaque homme est défini par deux « haplotypes HLA » (l'haplotype étant une des deux portions du matériel génétique se correspondant sur chacun des deux chromosomes formant une paire), l'un hérité de la mère, l'autre du père. Chaque haplotype HLA comporte au moins quatre gènes, à savoir l'un des vingt connus dans la série HLA-A, l'un des quarante-deux connus dans la série HLA-B, l'un des huit connus dans la série HLA-C et l'un des douze connus dans la série HLA-D. Inutile de dire que le nombre de combinaisons possibles définissant le typage HLA d'un individu donné est immense. On peut signaler ici que cette possibilité de typage caractéristique de chaque individu a permis bien d'autres progrès que le choix du meilleur donneur de greffon, et notamment la découverte d'une vulnérabilité différente de chacun à diverses maladies, l'étude des mouvements de population, etc.
Dans le même temps, d'autres chercheurs expérimentaient divers moyens destinés à affaiblir la réaction immunologique du receveur aboutissant au rejet. L'un de ces moyens, l'irradiation du receveur par les rayons X, devait permettre en 1959 les deux premiers succès d'allogreffe rénale chez l'homme.
Cette année-là, en effet, furent réalisées deux transplantations de rein entre faux jumeaux, l'une à Boston sous la direction de J. Merrill, l'autre à Paris sous la direction de J. Hamburger. L'opéré français était en bonne santé, vingt-cinq ans plus tard ; l'opéré américain est décédé accidentellement en 1980. Certains se demandaient cependant si le succès de la transplantation entre faux jumeaux pourrait s'étendre au cas général des greffes entre non-jumeaux. La réponse fut donnée par une greffe[...]
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Écrit par
- Henri BISMUTH : professeur à la faculté, chirurgien des hôpitaux, chef de service
- Jean-François DELFRAISSY : chef de service de médecine interne et maladies infectieuses de l'hôpital Bicêtre, Val-de-Marne, professeur d'immunologie clinique et de médecine interne à la faculté de médecine de Paris-Sud
- Jean DORMONT : ancien doyen de la faculté de médecine de l'université de Paris-Sud
- Jean HAMBURGER : membre de l'Académie française et de l'Académie des sciences
- Didier SAMUEL : docteur en médecine, praticien hospitalier, hépatologue.
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Média
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