TRANSSEXUALISME
Une dysharmonie entre le corps et l’esprit ?
Jacques Breton a distingué une définition médicale et une définition non médicale de la transidentité, selon la manière qu’on a d’aborder cette question. Du point de vue non médical, un transsexuel est une personne qui, préférant appartenir au sexe opposé à celui de son corps et de son état civil, réclame un changement de morphologie et qui, au nom d’une liberté nouvelle, celle de choisir son propre sexe, entend pouvoir bénéficier des progrès techniques de la médecine et de la chirurgie. Du point de vue médical, un transsexuel est une personne qui, bien que présentant, en l’état actuel des connaissances, des caractères sexuels biologiques et morphologiques normaux, se sent appartenir à l’autre sexe. Il en découle une question incontournable : est-ce l’offre qui a entraîné la demande ? Pour y répondre, il faut tout d’abord se demander si cette discordance entre psyché et soma existait antérieurement.
Survol historique
L’idée et le fantasme de changer de sexe ne sont pas nouveaux. Dans la mythologie grecque, outre l’histoire d’Hermaphrodite, fils d’Aphrodite et d’Hermès devenu bisexué après avoir été uni à la naïade Salmacis, il y a celle du devin Tirésias transformé en femme et resté sous cette apparence pendant sept ans. On trouve par ailleurs plusieurs références culturelles comportant un changement de sexe ou une appartenance à un troisième sexe, en matière de statut social et (ou) d’apparence. C’est le cas des Hijras, en Inde, une communauté composée essentiellement de personnes nées dans des corps d’hommes et se considérant femmes. C’est également le cas des berdaches chez les Indiens d’Amérique ou en Sibérie, non conformes aux normes du genre, se considérant comme étant à la fois hommes et femmes, ayant une apparence plutôt féminine et à qui l’on prêtait des pouvoirs surnaturels. Les Inuits quant à eux reconnaissent une sorte de troisième sexe social, plus précisément des garçons ou des filles que leur mère déclare à la naissance de l’autre sexe, en fonction de leur désir, et qui réintègrent leur sexe biologique à la puberté. On peut aussi évoquer la « liminalité » du genre en Polynésie, concernant plus souvent des hommes que des femmes, vivant à la limite des genres, les hommes se conduisant et s’habillant comme des femmes, mais ne prétendant pas l’être, et se laissant pousser la barbe.
Dans la culture occidentale, des personnes refusant leur sexe par le passé, nous ne savons que peu de choses. Elles sont généralement restées anonymes. Dans son Journal de voyage en Italie rédigé en 1580-1581, Montaigne fait le récit de deux histoires sur ce sujet qui lui ont été rapportées en France. L’une des deux s’est déroulée à Vitry-le-François et concerne une jeune fille qui était vêtue en homme et exerçait le métier de tisserand. Étant tombée amoureuse d’une femme, elle l’avait épousée mais, quatre mois plus tard, une personne de son village d’origine l’ayant reconnue et l’ayant dénoncée à la justice, elle fut condamnée à être pendue. Montaigne écrit qu’elle disait « aimer mieux souffrir que de se mettre en état de fille » et elle fut effectivement exécutée pour « des inventions illicites à suppléer au défaut de son sexe ».
C’est au xixe siècle que ce sujet fait son entrée dans le champ de la médecine. Les aliénistes le classent dans le cadre des monomanies ou délires caractérisés par une pensée unique et l’assimilent donc à une psychose, comme le fit Jean Esquirol en 1838. Avec Richard Krafft-Ebing, en 1869, la notion « d’efféminisation » chez l’homme et celle de « viraginité » chez la femme sont assimilées à des perversions sexuelles. En 1910, Magnus Hirschfeld distingue le travestissement et l’homosexualité. Dans le groupe des travestis, il distingue le « transvestisme » avec implication[...]
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Écrit par
- Bernard CORDIER : psychiatre des hôpitaux, expert honoraire près la cour d'appel de Versailles
Classification
Médias
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