Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

TRAVAIL/TECHNIQUE (notions de base)

Article modifié le

La valeur du travail

Approfondissons à présent la dimension positive du travail. Une première caractéristique est mise en évidence par la psychanalyse freudienne. Sigmund Freud (1856-1939) insiste sur la capacité qu’a le travail de nous rendre adultes. Travailler nous arrache à l’enfance, en nous faisant passer du « principe de plaisir » au « principe de réalité ». Alors que le jeune enfant, ignorant la complexité du réel, imagine que tous ses désirs peuvent être immédiatement satisfaits, il découvre peu à peu qu’il lui faut prendre en compte les lois de la nature et celles de la société pour obtenir satisfaction. Un siècle avant Freud, le philosophe G. W. F. Hegel (1770-1831) avait superbement mis en scène cette évolution. Dans la Phénoménologie de l’esprit (1807), il recourt à une sorte de fable pour expliquer comment l’homme qui a dépassé sa peur de mourir dans le combat devient le Maître. Celui-ci utilise ensuite la force du vaincu qui devient son Esclave et travaille à satisfaire tous ses désirs. Mais, en interposant entre lui et le monde le travail de son Esclave, le Maître va s’affaiblir, se laissant insensiblement enfermer dans ce qui constitue pour Freud le « principe de plaisir ». L’Esclave, lui, confronté à la résistance du réel, va s’endurcir, jusqu’à ce que le Maître devienne « l’Esclave de son Esclave ».

Hegel a ainsi ouvert la voie aux philosophies matérialistes du xixe siècle. Le courant marxiste a joué un rôle éminent dans ce qu’on pourrait appeler la sacralisation du travail. Friedrich Engels (1820-1895), dans son livre la Dialectique de la nature, écrit : « La condition fondamentale première de toute vie humaine est le travail, et il l’est à tel point que, dans un certain sens, il nous faut dire : le travail a créé l’homme lui-même. » De son côté, Marx oppose dans une célèbre métaphore l’abeille, qui construit instinctivement les cellules de la ruche, et l’architecte, qui a d’abord dans sa tête l’image de ce qu’il va construire. Si bien que le moins doué des architectes est supérieur à la plus performante abeille.

En passant par la représentation que l’on peut s’en faire à travers un projet, le travail développe toutes nos facultés. Produire un objet en travaillant, c’est d’abord avoir dans son esprit une image de la fin visée. C’est ensuite envisager les moyens qui permettront d’atteindre l’objectif : les matériaux que l’on va transformer, les outils à utiliser, le savoir-faire à mettre en œuvre. Cet ensemble de représentations va précéder la réalisation de l’objet, la totalité du processus étant décomposée analytiquement et chronologiquement.

L’autre apport irremplaçable du travail est celui de nous faire partager un même espace social. Même quand il effectue une tâche apparemment individuelle, le travailleur a besoin des autres hommes pour obtenir ses matières premières, pour se procurer ses outils, pour écouler ses produits. Cet effet socialisant du travail s’est imposé, d’une certaine façon, avec l’industrialisation et les développements technologiques ; et la privation de celui-ci, le chômage, est facteur de marginalisation.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

Classification