TRAVAIL
Gains de productivité et chômage
Bien que la crainte que la machine « mange l'emploi » soit présente depuis la révolte des tisserands que le métier Jacquard mettait au chômage, et qu'elle resurgisse chaque fois que le chômage augmente, les données statistiques ne vont pas dans ce sens : ainsi, en France, le nombre d'emplois a été presque multiplié par deux au cours du xxe siècle. Réduction du temps de travail et croissance économique ont plus fait en faveur de l'emploi que les gains de productivité en sa défaveur. Produire autant en moins de temps – définition des gains de productivité – réduit l'emploi, mais augmente aussi le revenu, donc la demande, des bénéficiaires des gains de productivité (acheteurs, employeurs ou salariés restés en place). Et ce qui fait disparaître l'emploi est aussi ce qui le fait renaître ailleurs, dans d'autres secteurs et sous d'autres formes.
Alfred Sauvy utilisait le terme de « déversement » pour désigner ce phénomène de transfert des emplois et, avant lui, Joseph Schumpeter parlait de « destruction créatrice » : des innovations déclassent certaines activités, mais en suscitent d'autres. Pour que le neuf puisse apparaître, il faut que le vieux disparaisse, ce qui ne va pas sans conséquences, parfois dramatiques socialement, mais économiquement bénéfiques. Dans tous les cas, les gains de productivité sont le moteur de ces transformations.
Comment expliquer alors le chômage de masse qui s'est développé dans certains pays, si les gains de productivité n'en sont pas à l'origine ? Le courant libéral, à la suite de Milton Friedman, met en cause des règles d'emploi trop rigides, qui empêchent offre et demande de travail de s'ajuster, et un salaire minimum trop élevé, qui exclut de l'emploi salarié les personnes dont le niveau de productivité ne permet pas de couvrir le coût de leur embauche. Le courant néo-keynésien, dans la foulée de Joseph Stiglitz et de Richard Layard, met plutôt l'accent sur les défauts d'information et d'ajustement du système économique lui-même ; ce n'est donc pas le marché du travail qui pose problème, mais les entreprises qui ne sont pas incitées à produire davantage, ce qui suppose des politiques publiques adaptées. Enfin, la majorité des économistes soulignent que le déterminant essentiel de l'emploi est la progression d'activité (croissance économique) : lorsqu'elle est insuffisante – en période de crise ou de récession par exemple –, le chômage progresse.
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Écrit par
- Denis CLERC
: conseiller de la rédaction du journal
Alternatives économiques
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