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TRAVAIL

Le travail de plus en plus immatériel et flexible

Principalement agricole il y a deux siècles, puis industriel, le travail est désormais de plus en plus tertiaire, grâce aux gains de productivité qui libèrent du temps pour d'autres activités : conseil, publicité, vente, soins, formation, transport, loisirs, etc. Le travail n'est plus majoritairement destiné à transformer la matière, mais à répondre aux attentes de clients ou d'usagers : la relation aux choses devient secondaire, celle aux gens prend davantage d'importance.

Évolution lourde de conséquences. D'abord, les femmes sont désormais presque aussi présentes sur le marché du travail que les hommes, même si leurs rémunérations sont moindres et si l'accès aux fonctions de responsabilité continue de leur être contesté. Ensuite, la production requiert des organisations pas forcément grandes mais souvent complexes, capables de produire au moindre coût des services diversifiés et de qualité, comme la vente en libre-service, le conseil informatique ou l'analyse comptable : très longtemps, jusqu'à la fin des années 2000, le salariat a progressé au détriment du travail indépendant. Enfin, pour accéder aux emplois qui se créent, il ne s'agit plus d'être endurant ou d'avoir un coup de main acquis à force d'expérience, mais de savoir communiquer, expliquer, proposer, diagnostiquer les dysfonctionnements, respecter les procédures garantissant une qualité constante, etc. Tout cela implique une formation de bon niveau, sésame indispensable pour entrer sur le marché du travail.

L'emploi aussi se transforme. Face à une demande qui évolue vite, à cause des modes, des innovations et de la concurrence, les entreprises tentent de « flexibiliser » les emplois, c'est-à-dire de les adapter quasi instantanément aux fluctuations d'activité et de demande : horaires variables, heures supplémentaires, emplois temporaires comme l'intérim et les contrats à durée déterminée. L'entreprise cherche à la fois à s'attacher durablement les travailleurs dont les compétences lui sont indispensables pour affronter la concurrence, et à disposer aussi d'un volant de main-d'œuvre plus « banale » qu'elle peut aisément remercier ou embaucher en cas de besoin. Le marché du travail devient donc plus dualiste, avec des emplois précaires et peu payés d'un côté, des emplois de qualité avec des garanties professionnelles de l'autre. Le salariat perd de son homogénéité : la classe ouvrière, qui a longtemps structuré l'emploi industriel et dont les luttes sociales ont favorisé l'amélioration des conditions de travail et de rémunération, est en déclin quantitatif avec la réduction du nombre d'emplois de fabrication, mais aussi en déclin qualitatif, avec la segmentation des groupes sociaux : l'avenir professionnel de chacun dépend désormais moins de son intégration à un groupe social qu'à sa formation et ses qualités personnelles. Dans le travail aussi, la massification est en voie de disparition, au profit de l'individualisation.

— Denis CLERC

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  • : conseiller de la rédaction du journal Alternatives économiques

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