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TRAVAILLISME

Il a fallu à peine plus de vingt-cinq ans au Parti travailliste britannique (Labour Party), après sa création, pour ôter au vieux Parti libéral de Gladstone et Lloyd George toute chance de retour au pouvoir. Il lui a fallu moins d'un demi-siècle pour se montrer capable d'emporter la majorité des sièges à la Chambre des communes et de former, seul, un gouvernement majoritaire. Destin hors du commun dans un système bipartisan ; destin qu'expliquent, l'histoire d'un mouvement enraciné dans le peuple par la médiation des syndicats et l'idéologie d'un socialisme parlementaire qui a d'emblée répudié la lutte des classes, au pays où Marx est enterré.

Histoire d'un parti syndicaliste

La Fabian Society - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

La Fabian Society

Durant la première moitié du xixe siècle, la révolution industrielle avait nourri des idées nouvelles, telles celles de Robert Owen, et lancé, en dépit de la répression (Peterloo massacre, 1819 ; Tolpuddle martyrs, 1834), un syndicalisme désormais distinct du corporatisme médiéval. La seconde moitié du siècle, avec l'extension du droit de suffrage en 1867 et 1884, donne au mouvement ouvrier britannique l'accès au système politique qui lui avait d'abord été refusé (échec du chartisme vers 1850). Dès lors, les organisations politiques ouvrières se multiplient : Ligue pour la représentation du travail (Labour Representation League, 1869), aussitôt satellisée par le Parti libéral ; Fédération démocratique (Democratic Federation, 1881), marxiste et intellectuelle, sans grande audience ; Société fabienne ( Fabian Society, 1884), dont l'idéologie concilie la démocratie parlementaire et l'idéal socialiste ; le Parti travailliste écossais (Scottish Labour Party, 1888), dont l'animateur James Keir Hardie, élu à la Chambre des communes en 1892, participe en 1893 à la création d'un parti à l'échelle britannique, le Parti indépendant du travail (Independent Labour Party, I.L.P.) qui, faute de soutien syndical, ne parvient pas à se développer.

La fondation

En 1899, enfin, la confédération des syndicats britanniques, le Trades Union Congress, décide, par 546 000 mandats contre 434 000, de convoquer les délégués des syndicats, des coopératives et des sociétés socialistes, pour étudier en commun les mesures propres à accroître le nombre des représentants des travailleurs au Parlement. De ce congrès constituant, réuni à Londres les 27 et 28 février 1900, naît une organisation assez lâche, aux ambitions purement électorales, le Labour Representation Committee (L.R.C.). Il présente l'avantage d'unir dans une même organisation les syndicats (7 représentants au Comité), l'I.L.P. (2 représentants), la Société fabienne (1 représentant), voire, très provisoirement, les marxistes de la S.D.F. (Socialist Democratic Federation, l'ancienne Democratic Federation). Seules des associations peuvent adhérer au L.R.C., qui n'a pour toute implantation locale que les sections de l'I.L.P. et de la Société fabienne. Le secrétaire du L.R.C. est James Ramsay MacDonald.

L'essor

La partie est loin d'être gagnée pour les tenants du travaillisme : un an après sa création, le L.R.C. compte 469 000 adhérents quand les syndicats en ont près de deux millions. Le puissant syndicat des mineurs, notamment, continue de faire cavalier seul. C'est alors que les maladresses du pouvoir établi vont renforcer involontairement le L.R.C. Le droit de grève menacé par la jurisprudence de la Chambre des lords (affaire Taff Vale, 1901), les syndicats se tournent vers le L.R.C. pour sa défense : ses effectifs doublent en un an, il ouvre une caisse électorale alimentée par les syndicats membres (un penny par syndiqué) et réussit à faire élire, en 1906, une trentaine de candidats. Tant et si bien qu'en février 1906 le modeste comité exécutif se change en parti, le L.R.C. devient[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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La Fabian Society - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

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