TRAVAILLISME
Structure et modernisation
Parti socialiste, mais pragmatique et profondément attaché à la démocratie, le Parti travailliste britannique se réfère moins qu'aucun autre parti socialiste à la conscience et à la lutte de classes.
Défenseur de la justice sociale, il n'est pourtant pas le parti de la classe ouvrière britannique. Si les trois cinquièmes ou les deux tiers de celle-ci votent travailliste, il n'en reste pas moins, en effet, qu'un électeur conservateur sur deux est un ouvrier. Le Parti travailliste pouvait hésiter entre deux stratégies : tenter d'élargir son audience dans le monde ouvrier ou rallier davantage d'électeurs des classes moyennes, quitte à modifier son image traditionnelle de parti des faibles et des opprimés. C'est ce qu'il fait à partir de 1959, sans reculer devant un certain embourgeoisement : 83 p. 100 des députés travaillistes, en 1931, étaient des ouvriers ; ils n'étaient plus que 37 p. 100 en 1951, 32 p. 100 en 1964 et 26 p. 100 seulement en 1970.
Dans la répartition des pouvoirs au sein de l'appareil travailliste, c'était les syndicats qui pesaient le plus depuis l'origine. En 1970, sur 6 222 580 adhérents travaillistes, 5 518 520 – soit plus de 88 p. 100 – adhèrent au parti à travers leur organisation syndicale. Les syndicats, par le jeu des mandats proportionnels au nombre des adhérents et du vote bloqué, contrôlent le congrès et, à travers lui, l'exécutif du parti, le National Executive Committee (N.E.C.). Cependant tout le pouvoir n'appartient pas aux syndicats : le groupe parlementaire travailliste (Parliamentary Labour Party) comprend depuis 1945 une majorité d'élus indépendants des syndicats et, jusqu'en 1981, le leader et son adjoint ont été élus par lui et tenus responsables devant lui seul. Les sections de circonscription (Labour Constituency Parties) ont, quant à elles, le pouvoir non négligeable de distribuer les investitures du parti, tant nationales que locales.
Progrès de l'emprise syndicale et crise interne
En juillet 1972 Frank Allaun, Ian Mikardo et Jim Sillars publient Tribune, un manifeste pour ce qu'ils appellent une démocratisation accrue du parti. S'appuyant sur le fait que ce dernier a perdu quelque 130 000 adhérents depuis 1964, ils cherchent à donner davantage de pouvoir aux militants.
Les réformateurs ont trois objectifs : l'instauration d'une procédure de réinvestiture obligatoire des députés sortants avant chaque élection ; un nouveau mode d'élection du leader ; la remise en cause du droit, réservé au N.E.C., de rédiger le manifeste électoral du parti.
Au congrès de 1980, la gauche du parti remporte une victoire décisive sur la question de la réinvestiture. Tous les sortants devront désormais se soumettre à une nouvelle investiture de leur circonscription. Les réformateurs sont battus de peu – 3 508 000 mandats contre 3 625 000 – sur la question du contrôle de la rédaction du manifeste électoral du parti. En ce qui concerne le mode d'élection du leader, c'est l'impasse. Après avoir accepté le principe d'un élargissement du corps électoral chargé de choisir le leader, toutes les formules proposées sont successivement rejetées. Il est décidé de renvoyer la question à un congrès extraordinaire, trois mois plus tard, qui sera chargé de la révision des statuts.
Avant ce congrès extraordinaire, cependant, le parti a changé de leader selon la procédure introduite dès la création du parti : l'élection par le groupe parlementaire. Après la démission de James Callaghan le 15 octobre 1980, quatre candidats sont en lice : Michael Foot, Denis Healey, Peter Shore et John Silkin. Au premier tour Healey se classe en tête avec 112 voix, devant Foot (83 voix), Silkin (38) et Shore (32). Silkin et Shore s'étant désistés en faveur de Foot,[...]
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Écrit par
- Monica CHARLOT : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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