TRÉSORS MONÉTAIRES, Grèce antique
« Trésor », le mot a un parfum d'exotisme, évoquant L'Île au trésor et les pirates des Caraïbes. Pour le numismate, un trésor est un lot de monnaies, rassemblées volontairement (ce qui exclut les pièces réunies au hasard, par exemple dans un égout) et perdues par leur propriétaire, au cours d'une guerre, d'un naufrage ou de toute autre circonstance. Ainsi définis, les trésors constituent une source de documentation des plus riches pour l'historien : rien que pour l'Antiquité grecque, le recensement de 1970 en comptait plus de 2 300, depuis l'apparition de la monnaie, vers 600 avant J.-C., jusqu'au début de l'ère chrétienne, allant de la modeste bourse de quelques piécettes jusqu'aux grandes caisses royales comprenant des milliers de tétradrachmes et de pièces d'or.
Qu'elle note la dispersion des monnaies d'une cité à travers l'espace ou, inversement, le lieu de fabrication des diverses pièces d'un trésor, une carte des trésors grecs montre tout d'abord un réseau très dense d'échanges dans toutes les directions, à travers la Méditerranée familière aux Grecs, c'est-à-dire de la Sicile et de la Cyrénaïque jusqu'au golfe d'Antioche, et des Détroits à l'Égypte. Dépasser cette première image, c'est analyser, par quelques exemples, les traits propres aux monnaies de telle ou telle cité et l'évolution chronologique de ces échanges.
Quatre cas ont été retenus ici : deux trésors retrouvés en Égypte, qui nous donnent l'état de la circulation monétaire au moment de la seconde guerre médique et au lendemain de la conquête de la région par Alexandre, et deux villes, Athènes, dont la marine de guerre domina l'Égée et fit du Pirée le principal port commercial de la Méditerranée, et Thasos, cité plus modeste du nord de l'Égée, mais qui joua un rôle non négligeable dans les rapports entre les Grecs et le monde thrace.
À Lycônpolis, l'actuelle Assiout, des ouvriers découvrirent, en 1969, un millier de pièces qui passèrent sur le marché en lots séparés. Le trésor original dut être reconstitué, comme c'est souvent le cas, à partir de vagues indications, en tenant compte de la composition des lots, de l'aspect des pièces, de la date de leur mise en vente. De l'opération sortit le plus important trésor de l'époque des guerres médiques (voir tableau). Certaines pièces, comme un tétradrachme d'Alexandre Ier de Macédoine, montrent que le trésor ne fut enfoui que vers 470, mais l'essentiel date d'immédiatement avant 480, au moment des derniers préparatifs de défense grecs face à l'invasion perse : c'est le cas des 166 tétradrachmes d'Athènes ou des 133 statères d'Égine ainsi que des pièces de la plupart des ateliers de Grèce centrale. D'autres pièces ont été émises par des cités déjà asservies par le Grand Roi auquel elles payaient tribut : ainsi les pièces des ateliers de la côte nord de l'Égée, de l'Asie Mineure et de Chypre. L'Ouest grec, la Sicile et la Grande-Grèce n'ont guère participé à la guerre : leur présence ici, modeste à l'exception de Zancle-Messine où des Samiens étaient venus fuir le tyran imposé par les Perses, atteste seulement la vitalité de leurs liens avec le reste du monde grec. Dans sa diversité, ce trésor — et d'autres — montre que certains avaient su tirer profit de l'expédition de Xerxès, malgré la catastrophe finale.
Cent cinquante ans plus tard, les 8 000 tétradrachmes du trésor d'Hermopolis parva, aujourd'hui Demanhour, dans le Delta du Nil, sont, aux 10 tétradrachmes de Ptolémée Ier près, tous aux types d'Alexandre : si le conquérant a, comme le Grand Roi, laissé aux cités alliées et sujettes le droit de battre monnaie, il a, lui, créé une monnaie[...]
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Écrit par
- Olivier PICARD : professeur émérite à la Sorbonne, membre de l'Institut
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