TRESSES, mathématiques
Issues d'une intuition physique naturelle, les tresses sont des objets mathématiques fascinants, qui apparaissent dans des domaines aussi divers que l'algèbre, la topologie, la géométrie, les équations différentielles, ou encore la physique théorique et la cryptographie. Assez simples pour être accessibles à l'étude, mais en même temps assez compliquées pour donner lieu à des développements intéressants, les tresses fournissent des exemples parfaits de la diversité des approches possibles d'une même notion.
On fait généralement remonter l'étude mathématique des tresses à un article écrit par Emil Artin (1898-1962) en 1926, et c'est aujourd'hui un domaine très actif, où se côtoient résultats profonds et questions ouvertes difficiles. En particulier, l'étude des tresses est directement à l'origine du remarquable renouveau de la théorie des nœuds depuis les années 1980.
Approche élémentaire
Le début de la théorie est facile et naturel: il s'agit de dégager une notion mathématique de tresse, et de construire sur les tresses une multiplication qui en fasse un groupe.
Tresses géométriques
Une tresse, ce sont des brins qui se croisent, avec la seule contrainte que les brins ne rebroussent pas chemin et conservent une même direction générale, par exemple de haut en bas, ou de gauche à droite (fig. 1).
On peut modéliser une tresse à n brins comme la réunion de n courbes de ℝ3 reliant les points (1, 0, 0), ..., (n, 0, 0) aux points (1, 0, 1), ..., (n, 0, 1) et coupant en n points chaque plan z = a pour 0 ≤ a ≤ 1 (fig. 2). Une telle figure sera appelée tresse géométrique à n brins.
À partir de deux tresses géométriques à n brins β1 et β2, on en obtient une nouvelle en plaçant β1 au-dessus de β2 et en comprimant la figure pour qu'elle tienne entre les plans z = 0 et z = 1. Le résultat, noté β1β2, est appelé produit de β1 et β2 (fig. 3).
Isotopie
Si, dans une tresse matérielle souple, on bouge les brins en laissant les extrémités fixes, l'objet change, mais pas sa structure topologique, par exemple le fait que deux brins soient enroulés ou non. Ceci mène à une relation d'équivalence sur les tresses géométriques: on dit que β et β' sont isotopes si on peut déformer β en β' (fig. 4). On appelle alors tresse à n brins une classe d'équivalence de tresses géométriques à n brins vis-à-vis de l'isotopie.
Le produit des tresses géométriques est compatible avec l'isotopie, et il induit donc un produit sur les classes d'équivalence. Celui-ci est associatif (fig. 5). Ensuite, la classe d'équivalence de la tresse géométrique εn composée de n segments verticaux est élément neutre, car β, βεn et εnβ sont isotopes. Enfin, si β¯ est l'image de β par réflexion dans le plan z = 1/2 (fig. 6), alors les tresses ββ¯ et β¯β sont isotopes à εn. Donc l'ensemble des tresses à n brins muni du produit défini ci-dessus est un groupe: le groupe des tresses à n brins, traditionnellement noté Bn, le mot anglais pour tresse étant braid.
Diagrammes de tresse
Appelons diagramme de tresse à n brins une figure plane obtenue en empilant des motifs pris dans la liste de la figure 7. Un tel diagramme est codé naturellement par une suite finie de lettres parmiσ1±1, …, σn–1±1, suite qu'on appelle un mot de tresse (fig. 8).
En projetant une tresse géométrique sur le plan y = 0, on obtient une figure ressemblant à un diagramme de tresse, à ceci près que les projections des brins ne sont en général pas rectilignes. Appelons régulière une tresse géométrique dont la projection est un diagramme de tresse (lorsqu'on interrompt les brins postérieurs aux intersections). Alors toute tresse géométrique est isotope à une tresse géométrique régulière, et deux tresses géométriques régulières[...]
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Écrit par
- Patrick DEHORNOY : professeur à l'université de Caen et à l'Institut universitaire de France
Classification
Médias
Autres références
-
NŒUDS (THÉORIE DES)
- Écrit par Jean BRETTE
- 1 904 mots
- 11 médias
Alexander a également montré que tout nœud peut être obtenu en refermant une tresse brin à brin. Par ailleurs, toujours dans les années 1920, Emil Artin a étudié algébriquement les tresses à n brins, qui forment également un groupe et qui sont engendrées par des croisements élémentaires d'un...