TRESSES, mathématiques
Un groupe aux multiples facettes
Ce qui rend les groupes de tresses spécialement intéressants est le fait que, à côté de la construction décrite ci-dessus, plusieurs autres approches a priori indépendantes mènent aux mêmes groupes et en révèlent des aspects complémentaires.
Groupe de difféotopies d'un disque troué
Soit Dn un disque du plan privé de n points. Les homéomorphismes de Dn dans lui-même préservant l'orientation, laissant fixe le bord extérieur ∂Dn et préservant globalement les n trous forment un groupe, dont le quotient par isotopie est appelé le groupe de difféotopies (ou, souvent, le mapping class group) de Dn (fig. 13).
Ce groupe est isomorphe au groupe des tresses Bn: l'idée de la démonstration est de regarder les tresses du dessus et non plus du devant, et de considérer une tresse à n brins comme le mouvement de n points du disque. De façon plus précise, si f est un homéomorphisme de Dn laissant ∂Dn fixe, il existe une déformation continue joignant f à l'application identité, et on obtient une tresse géométrique en suivant les images des n trous de Dn le long de la déformation; à l'inverse, une tresse géométrique spécifie un mouvement des n trous de Dn, et celui-ci se prolonge de façon unique à isotopie près en un homéomorphisme de Dn laissant le bord fixe (fig. 14).
Groupe fondamental d'un espace de configuration
Une autre façon de faire apparaître le groupe Bn est de considérer les espaces C’n et Cn formés par les configurations ordonnées et non ordonnées de n points dans le plan, c'est-à-dire, respectivement, les suites (ordonnées) et les ensembles (non ordonnés) de n points distincts. En identifiant le plan avec l'ensemble ℂ des nombres complexes, on voit C’n comme l'ensemble des n-uplets (z1, …, zn) de ℂn vérifiant zi ≠ zj pour i ≠ j, donc le complémentaire des hyperplans diagonaux, et Cn comme le quotient de C’n relativement à l'action du groupe symétrique Sn par permutation des coordonnées.
Les espaces Cn et C’n héritent de ℂn une topologie naturelle et, comme à chaque espace topologique, on leur associe un groupe dit fondamental formé par les classes d'homotopie de courbes fermées tracées à partir d'un point-base fixé. Le résultat est alors que le groupe fondamental de l'espace Cn est le groupe de tresses Bn, et celui de C’n est le groupe de tresses pures Pn.
Le passage de cette construction de Bn à la précédente est assez simple, car, pourvu qu'on se restreigne à des n-uplets (z1, …, zn) vérifiant
, un lacet à travers l'espace Cn correspond naturellement au mouvement de n points d'un disque.
Groupe d'automorphismes d'un groupe libre
Considérons l'ensemble des mots formés à partir de 2n lettres x1, …, xn, x1–1, …, xn–1 et ne contenant aucun sous-mot xixi–1 ou xi–1xi. Lorsqu'on munit cet ensemble du produit qui associe à deux mots u et v le mot obtenu en écrivant v à la suite de u et en supprimant les éventuels sous-mots xixi–1 ou xi–1xi, on obtient un groupe, noté Fn, et appelé groupe libre de rang n. Ce groupe est le plus gros des groupes à n générateurs, au sens où tout groupe à n générateurs en est une image homomorphe ou, si on préfère, un quotient.
Le groupe Aut(Fn) formé par tous les automorphismes de Fn est très gros, et il est usuel d'en étudier des sous-groupes. Un exemple typique est le sous-groupe de Aut(Fn) formé par les automorphismes φ préservant le produit x1…xn et envoyant chaque générateur xi sur un conjugué de xf(i), où f est une permutation des indices 1, …, n (dépendant de φ). On montre que ce sous-groupe est précisément le groupe de tresses Bn, obtenant ainsi une représentation injective de Bn dans Aut(Fn).
Pour le voir, on note que le groupe fondamental du disque troué Dn est isomorphe à Fn, le générateur[...]
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Écrit par
- Patrick DEHORNOY : professeur à l'université de Caen et à l'Institut universitaire de France
Classification
Médias
Autres références
-
NŒUDS (THÉORIE DES)
- Écrit par Jean BRETTE
- 1 904 mots
- 11 médias
Alexander a également montré que tout nœud peut être obtenu en refermant une tresse brin à brin. Par ailleurs, toujours dans les années 1920, Emil Artin a étudié algébriquement les tresses à n brins, qui forment également un groupe et qui sont engendrées par des croisements élémentaires d'un...