TRIBUNAUX PÉNAUX INTERNATIONAUX
La Cour pénale internationale
La fonction dissuasive des quatre tribunaux précités était assez limitée du fait de leur création pendant ou après la commission des crimes. C'est la raison pour laquelle on a, très tôt, songé à instituer une instance pour le futur. Souhaité par René Cassin dès 1948, un projet de statut pour une Cour criminelle internationale par la commission du droit international des Nations unies avait été élaboré. Débattue par l'O.N.U. à partir de novembre 1950, l'idée s'était peu à peu perdue dans les sables lorsqu'en 1989 le petit État de Trinité et Tobago relança la réflexion en faisant adopter par l'Assemblée générale une résolution, d'apparence anodine et liée au seul problème de la drogue, visant à la création d'une Cour de justice pénale internationale. L'élaboration d'un projet fut confiée à la commission du droit international puis à un comité préparatoire. Le statut final de la Cour pénale internationale fut adopté par une conférence diplomatique, à Rome, le 17 juillet 1998 (120 voix pour, 7 voix contre – notamment celles des États-Unis et de la Chine – et 21 abstentions).
La Cour, composée de dix-huit juges, aura son siège à La Haye. Institution permanente complémentaire des juridictions pénales nationales, elle aura compétence pour juger toute personne physique soupçonnée de crime de génocide, de crime de guerre, de crime contre l'humanité et – c'est une nouveauté par rapport aux quatre précédents tribunaux – de crime d'agression, dès que ce dernier aura reçu une définition et que seront fixées les conditions dans lesquelles s'exercera la compétence de la Cour à son égard. La définition des crimes contre l'humanité est élargie et la Cour sera compétente pour le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée et les autres formes de violence sexuelle de gravité comparable. Le statut considère ces actes comme une violation grave des conventions de Genève de 1949 sur le droit humanitaire en temps de guerre. De surcroît, la compétence de la Cour s'applique aux conflits armés internes.
Hormis les cas où il agit sur le renvoi d'un État partie au traité ou du Conseil de sécurité, le procureur peut déclencher des investigations de sa propre initiative, sur la base de renseignements concernant les crimes relevant de la compétence de la Cour. S'il conclut que les renseignements recueillis justifient l'ouverture d'une enquête, le procureur présente à la chambre préliminaire une demande d'autorisation en ce sens. Les victimes peuvent adresser leur point de vue. Lorsqu'une situation est renvoyée devant la Cour et que le procureur a ouvert une enquête, il en donne notification à tous les États parties et aux États qui, compte tenu des informations disponibles, auraient normalement compétence pour connaître des crimes en question.
Critiqué par divers observateurs et certaines organisations non gouvernementales, ce statut présente des faiblesses qui sont autant de signes du désir de protéger les souverainetés autant que les victimes. En particulier, le Conseil de sécurité pourra empêcher ou suspendre pendant douze mois une enquête ou une poursuite dans une affaire dont il est saisi au titre du maintien de la paix. Lors de son adhésion, un État peut déclarer que pendant les sept premières années d'application du traité à son encontre il n'acceptera pas la compétence de la Cour pour les crimes de guerres commis par ses nationaux ou perpétrés sur son territoire. À l'encontre des États non parties du traité, la Cour ne pourra exercer sa compétence qu'en vertu de l'acceptation de celle-ci par l'État sur le territoire duquel le crime a été commis ou par l'État dont la personne accusée est ressortissante. Enfin, la création de la Cour par un traité retardera[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Mario BETTATI : professeur de droit international à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas
Classification
Médias
Autres références
-
COUR PÉNALE INTERNATIONALE, en bref
- Écrit par Christophe PÉRY
- 245 mots
Évoqué dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, le projet de cour pénale internationale a été remis à l'ordre du jour dans les années 1990, au moment où l'O.N.U. chargeait deux tribunaux spécialisés de juger les crimes perpétrés dans l'ex-Yougoslavie et au Rwanda. Le...
-
COUR PÉNALE INTERNATIONALE
- Écrit par Sarah PELLET
- 2 675 mots
- 3 médias
...sécurité, se fondant expressément sur le chapitre vii de la Charte des Nations unies relatif au maintien de la paix et de la sécurité internationale, crée deux tribunaux pénaux ad hoc, Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et Tribunal pénal international pour le Rwanda, dont la compétence... -
DEL PONTE CARLA (1947- )
- Écrit par Florence HARTMANN
- 1 139 mots
Carla Del Ponte est une magistrate et une diplomate suisse de langue italienne qui a été procureure générale auprès du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) de septembre 1999 à décembre 2007, et pendant quatre années, de 1999 à 2003, auprès du Tribunal pénal international pour le...
-
CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ
- Écrit par Mario BETTATI
- 6 349 mots
Le 24 mars 1999, la Chambre des lords britannique confirmait partiellement la décision qu'elle avait rendue le 28 octobre 1998 de refuser à Augusto Pinochet, ancien dictateur du Chili, poursuivi par un juge espagnol pour torture et assassinats constituant des crimes contre l'humanité...
- Afficher les 17 références