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TRIMŪRTI

L'hindouisme place au sommet de son panthéon une triade (tri-mūrti) de trois grands dieux, de rang égal : Brahmā, Viśnu, Śiva. Chacun d'eux représente un aspect de la toute-puissance divine, mais leurs relations ne sont pas comparables à celles que les théologies chrétiennes attribuent aux personnes de la Trinité : Brahmā, Viśnu, Śiva sont trois dieux parfaitement distincts les uns des autres et qui ne cohabitent même pas dans un ciel commun puisque chacun règne sur sa propre sphère et réside dans son propre Paradis (le Vaïkuntha de Viśnu, le Kaïlāsa de Śiva, etc.). Il n'en reste pas moins que l'association de ces trois Seigneurs au faîte de la hiérarchie cosmique autorise d'infinis développements théologiques. Le plus fréquemment évoqué est celui qui répartit les rôles selon trois moments du devenir universel : le dieu Brahmā préside à la création du monde (c'est-à-dire, selon la perspective hindoue, à sa manifestation et à la mise en place de ses éléments constitutifs) ; le dieu Viśnu en assure la conservation ; le dieu Śiva opérera sa dissolution à la fin du cycle cosmique. Il faut cependant éviter de se représenter ce processus en termes exclusivement chronologiques : s'il est vrai que Śiva manifestera sa toute-puissance au moment où cet univers-ci disparaîtra (pour céder la place à un nouvel univers mis en forme par Brahmā), il est non moins exact de dire que les trois dieux agissent de concert et de façon permanente : Brahmā assure la production indéfinie de formes nouvelles et inspire l'activité créatrice des hommes et des dieux ; Śiva met en place les obstacles nécessaires à l'accomplissement de toute œuvre valable, détruit aussi les forces mauvaises et, d'une façon générale, aide au franchissement des étapes (à ce titre, il est le dieu de la mort et des renaissances, en même temps que celui du progrès spirituel) ; Viśnu est, dans cette perspective, le dieu « bon » (vasu-déva) par excellence, guérissant les maladies, assurant la prospérité de ses fidèles, intervenant dans le monde (doctrine des avatārs, « descentes » du dieu qui s'incarne pour sauver), etc.

Sur le plan métaphysique, les grands maîtres du Vedānta (surtout Rāmānuja) ont donné de la trimūrti une interprétation à tendance monothéiste : le Dieu suprême (appelé īśvara, « Seigneur ») est Sach-Chid-Ananda (litt. : Être-Concience-Béatitude). Dès lors, Brahmā est le nom mythologique de l'Être-en-soi, Viśnu est la Conscience cosmique, Śiva la Béatitude éternelle. Dans cette conception, qui peut faire penser à la théologie chrétienne, le Seigneur (īśvara) unit en lui-même ces trois entités, dont Brahmā, Viśnu et Śiva sont en quelque sorte des manifestations secondaires. Mais de telles vues ne sont le fait que d'une minorité de philosophes, la conscience hindoue, profondément polythéiste, préférant vouer un culte à chacun de ces grands dieux et à leurs avatārs, fils et épouses.

— Jean VARENNE

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

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