TRIPLICE ou TRIPLE ALLIANCE
Alliance conclue le 20 mai 1882 entre l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et l'Italie. Déjà assuré du concours autrichien depuis la Duplice de 1879, puis de la neutralité de la Russie depuis le renouvellement de l'entente des trois empereurs en juin 1881, Bismarck souhaitait faire entrer l'Italie dans son « système ». L'Allemagne, en effet, dans le cas d'un conflit avec la France, ne pouvait compter sur un appui militaire de l'Autriche et de la Russie. Mais une alliance germano-italienne devait obliger la France à faire face sur deux fronts. De son côté, l'Italie, évincée de Tunisie par la France en 1881 et dès lors consciente de son isolement, désirait un rapprochement avec Berlin. Du fait de la Duplice, elle était conduite à se rapprocher aussi de Vienne, d'où, il est vrai, elle pouvait espérer un concours dans son conflit avec le Saint-Siège. Quant à l'Autriche-Hongrie, malgré les ressentiments de 1866 et la persistance d'une propagande italienne dans les « terres irrédentes », elle trouvait aussi avantage à une alliance italienne qui lui permettait de concentrer ses forces sur un seul front, en cas de conflit avec la Russie. Les trois puissances avaient donc intérêt à se rapprocher par un traité. Ce traité était défensif et, conclu pour cinq ans, devait être renouvelé jusqu'en 1915. Il stipulait que Berlin et Vienne porteraient « secours et assistance » à l'Italie en cas d'agression française non directement provoquée. L'Italie remplirait la même obligation à l'égard de l'Allemagne attaquée par la France dans les mêmes conditions. En cas d'attaque russe contre l'Autriche, l'Italie ne promettait que sa neutralité bienveillante. Particulièrement avantageux pour l'Italie, le traité donnait à l'Allemagne, pour la première fois, un allié en cas d'attaque française. Lors de son renouvellement en 1887, deux conventions y furent annexées, dont la première disposait que, si l'Italie, à la suite d'une extension française en Tripolitaine, attaquait la France en Europe, l'Allemagne lui apporterait son concours armé. Le traité prenait donc un caractère offensif. Bismarck, cependant, restait soucieux de prévenir une alliance entre la France et la Russie qui, en 1887, venait de refuser de renouveler l'entente des trois empereurs. Il signa alors avec elle, le 18 juin 1887, un traité de « réassurance » qui, confirmant la neutralité russe en cas de conflit franco-allemand, promettait à Alexandre III l'appui diplomatique allemand dans la question bulgare. À partir de 1890, Guillaume II, las de jongler avec les intérêts contradictoires de l'Autriche et de la Russie, abandonna la « réassurance » et fit de la seule Triplice l'instrument essentiel de sa politique européenne.
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Écrit par
- Jean-Pierre MOUSSON-LESTANG : professeur émérite d'histoire contemporaine à l'université Robert-Schuman, Strasbourg
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