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MURAIL TRISTAN (1947- )

Un thaumaturge du son

Sables, pour orchestre (1975), la plus radicale des œuvres qu'il ait alors écrites, est sa première réussite stylistique incontestable dans sa tentative de continuité totale où les seuls repères de cette structure « en dérive » sont les consonances occasionnelles de spectres harmoniques. Cette fascination pour une musique développée continûment, sans silences (fascination partagée, dans une tout autre esthétique, par Steve Reich), va donc hisser le processus au rang de règle élaboratrice de ses structures musicales.

Ainsi Mémoire/Érosion (1976) explore-t-elle, en le transposant instrumentalement, un processus adapté du procédé analogique dénommé, en électronique, boucle de réinjection : chaque note du cor soliste est imitée puis déformée lentement par les neufs instruments formant l'orchestre. Cette syntaxe, qui forme la base de l'écriture de Murail, sera bientôt enrichie par d'autres processus analogiques dont l'idée conceptuelle se trouve incluse dans des techniques électroniques : modulation en anneaux et modulation de fréquences, notamment. De fait, ces deux procédés permettent de créer des sons dits différentiels, produisant des spectres sonores d'une grande richesse et possédant la particularité de gommer les différences existant entre harmonie et timbre.

La technique de la modulation en anneaux sera exploitée systématiquement dans Treize Couleurs du soleil couchant, pour cinq instruments et dispositif électroacoustique ad libitum (1978), et dans Les Courants de l'espace, pour ondes Martenot, synthétiseur et petit orchestre (1979).

Avec Gondwana, pour orchestre (1980), Murail fait pour la première fois appel à la modulation de fréquences, afin de créer des champs harmoniques modelés sur des spectres instrumentaux réels (cloches et cuivres). La composition de cette œuvre achevée, il suit le stage de composition et d'informatique de l'I.R.C.A.M. Désormais, l'évolution de son langage va suivre celle des systèmes informatiques qui sont disponibles grâce aux avancées technologiques en matière de synthèse et de modélisation des spectres sonores, notamment par l'emploi de logiciels performants permettant d'accroître la vitesse des calculs spectraux souhaités par le compositeur et de multiplier (de façon probante et pragmatique) l'analyse virtuelle des possibilités formelles qui en découlent. Cette souplesse et cette richesse d'exploitation des potentialités nouvelles de l'informatique musicale lui permettent dès lors de dépasser peu à peu l'abstraction de purs processus calculés théoriquement et l'amènent à trouver puis à développer une manière tout à fait originale de travailler les densités et les structures du son.

C'est ainsi que Murail parvient, dans Désintégrations, pour dix-sept instruments et bande magnétique (1982), à une fusion auditive plus probante, musicalement, entre sons réels instrumentaux et sons électroniques modélisés grâce à l'ordinateur.

Suivent deux pièces pour orchestre (Sillages, 1985, et Time and Again, 1985), ainsi qu'un oratorio (Les Sept Paroles du Christ en croix, 1988), où les évolutions spectrales se font de plus en plus complexes tout en intégrant de nouveaux éléments formels : le silence interruptif du discours, le flash-back et la prémonition (techniques concernant le traitement du matériau).

Poursuivant son exploration des microformes et des macroformes, Murail signe avec Allégories (1990) une œuvre où le geste musical devient thématique et récurrent. Un geste qui, construit sur un certain nombre d'éléments tour à tour agrandis ou tronqués, dilatés ou contractés, génère à la fois l'unité structurelle (forte) de l'œuvre et sa richesse harmonique et mélodique mêmes.

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Écrit par

  • : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio

Classification

Autres références

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