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MURAIL TRISTAN (1947- )

Retour à la structure

Autre étape importante dans l'évolution du langage de ce compositeur : Serendib, pour vingt-deux instruments (1992). Murail abandonne ses processus de continuité formelle ininterrompue, ses rythmiques régulièrement répétées et sa volonté de stabilité (harmonique) en intégrant dans sa pensée la notion de découverte structurelle liée à celle d'un hasard pris en compte et accepté comme enjeu compositionnel au sein de l'écriture et de l'invention musicales. La discontinuité rhapsodique qui en découle confère à sa musique une souplesse discursive et un chatoiement de timbres qui lui avaient été jusqu'alors étrangers. Une telle réintégration sensorielle fait de Serendib une œuvre kaléidoscopique dont la conception fractale est à l'origine de la surprise, des contrastes et de la sensualité (tant harmonique ou de timbres que rythmique). Une œuvre qui semble bien être la plus profondément originale, la plus séduisante et la plus « musicale » de son auteur.

Dans L'Esprit des dunes, pour onze instruments et sons de synthèse (1994), on retrouve cette carnation sonore prismatique qui fait l'une des réussites de Serendib, mais aussi cette invention harmonique – désormais concrètement maîtrisée – parvenue, là, à une fusion véritablement satisfaisante entre sons (instrumentaux et/ou vocaux) « live » et sons électroniques (modélisés). Cela est particulièrement frappant eu égard à la richesse mélodique singulière de l'univers spectral obtenu ici (au travers du timbre) par ce compositeur.

Le Partage des eaux, pour grand orchestre (1995), Terre d'ombre, pour grand orchestre et sons électroniques (2004), Pour adoucir le cours du temps, pour 18 instruments et sons de synthèse (2005), et En moyenne et extrême raison, pour quinze instruments et sons électroniques (2009), poursuivent cette quête « fusionnelle » – qui se situe dorénavant au-delà de toute notion d'harmonicité ou d'inharmonicité – en se penchant sur le concept de métaprocessus (processus à l'intérieur du processus). Un concept qui est aussi une méthode d'écriture permettant à Tristan Murail de créer des structures sonores multidimensionnelles passées, dans certaines pages, au tamis de la notion de chaos. Un chaos désormais... composé.

Parmi ses œuvres récentes, citons encore Légendes urbaines, sorte de poème symphonique pour grand ensemble (2006) et Le Désenchantement du monde, concerto symphonique pour piano et orchestre (2012).

— Alain FÉRON

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Écrit par

  • : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio

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