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TROIS ÉTUDES POUR DES FIGURES AU PIED D'UNE CRUCIFIXION (F. Bacon)

Toute sa vie, Francis Bacon (1909-1992) considéra le triptyque Trois Études pour des figures au pied d'une crucifixion (Tate Modern, Londres) comme son premier tableau. Historiquement, rien n'est moins vrai : quelques-unes des œuvres qu'il réalisa dans les années 1930 subsistent et ont été exposées, quoique rarement du vivant de l'artiste. Théoriquement rien n'est plus justifié : les trois études ne sont en effet qu'un fragment d'une plus grande composition que l'artiste ne réalisera jamais. Aussi Bacon ouvrait-il ainsi délibérément son œuvre sur ce que Maurice Blanchot définissait comme « l'œuvre d'absence d'œuvre » – la projection, sans cesse différée, de cette œuvre ultime qui, disait Bacon, « annihilerait » toutes les autres. À partir du début des années 1960, les figures cauchemardesques du triptyque de 1944, que l'artiste identifiait aux Érinyes, se retrouvent de manière récurrente dans son œuvre. À elles seules, ces figures d'un tourment sans limite – l'une d'elles apparaît sur le panneau central, posée sur un trépied de sculpteur –, incarnent la poursuite de cette œuvre prométhéenne dont Bacon mesurait l'impossibilité. En 1988, quelques années avant sa mort, l'artiste peindra une seconde version, également conservée à la Tate Gallery, du triptyque de 1944, qui ne fait que revenir sur l'inachèvement par lequel il avait inauguré son œuvre.

— Hervé VANEL

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Brown, Rhode Island (États-Unis)

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