- 1. Le national-socialisme et la conquête du pouvoir
- 2. Mise en place et consolidation du nouveau régime (1933-1936)
- 3. Réarmement et système d'alliances
- 4. Vers la guerre
- 5. Des victoires éclairs à l'effondrement
- 6. Le système concentrationnaire et l'antisémitisme
- 7. Les résistances
- 8. Jugements et problématique
- 9. Bibliographie
TROISIÈME REICH (1933-1945)
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Jugements et problématique
Sans doute aucune autre période de l'histoire de l'Allemagne n'a-t-elle suscité, de la part des historiens, à la fois autant d'intérêt et de jugements passionnés, souvent contradictoires.
Le IIIe Reich a fait naître et fait naître encore une littérature surabondante et de qualité fort inégale. Trop d'auteurs ont semblé vouloir réduire l'histoire de ce régime fasciste à la biographie de quelques-uns des personnages apparus sur le devant de la scène. Plus tard, on a insisté à l'excès sur les aspects « secrets » ou « fantastiques » du IIIe Reich.
Pour les uns, le IIIe Reich est un accident tout à fait fortuit et, à la limite, presque inexplicable dans la longue histoire de l'Allemagne. Il constituerait une césure totale, comme en témoigne l'expression « année zéro » employée à propos de 1945. Nous avons, au contraire, tenté de montrer que le national-socialisme surgissait à un moment précis de l'histoire allemande, que les nazis n'avaient pas accédé au pouvoir sans de multiples appuis et qu'ils ne l'avaient pas assumé seuls : le succès et le triomphe de ce mouvement sont liés à certains intérêts économiques. L'idéologie du national-socialisme elle-même s'alimente pour une part aux traditions nationalistes et chauvines qui existaient en Allemagne avant Hitler. La tentative d'hégémonie européenne de Hitler s'inscrit dans la ligne des visées pangermanistes qui se sont exprimées avant et pendant la Première Guerre mondiale. Le national-socialisme est un fascisme auquel l'époque et les particularités de l'histoire allemande donnent sa spécificité.
Qui est responsable des crimes du IIIe Reich ? Faut-il attribuer au peuple allemand une responsabilité collective ou faut-il rejeter tout le poids des crimes commis sur quelques coupables que l'on chargera d'autant plus qu'ils sont morts ? Quelques voix courageuses se sont élevées en Allemagne même, au lendemain de la guerre (Karl Jaspers), contre cette dernière interprétation. Les électeurs qui ont donné 12 millions de voix au national-socialisme, les Allemands qui ont approuvé l'établissement de la dictature hitlérienne, sans parler de ceux qui ont élaboré, encouragé ou exécuté les mesures répressives ou racistes, portent, à n'en pas douter, une part de responsabilité qu'on ne saurait, par contre, faire supporter aux victimes, par exemple aux Allemands qui ont résisté, parfois au péril de leur vie.
La période du IIIe Reich a longtemps été, en Allemagne occidentale, après la guerre, une période taboue. Dans les familles, tout comme dans les livres d'histoire, on en parlait peu ou on n'en parlait pas. Tout un peuple semblait se refuser à assumer un passé qui le plongeait dans un malaise collectif, refusant du même coup de prendre la mesure exacte des conséquences du IIIe Reich (Unbewältigte Vergangenheit). Dans les pays de l'Est, au contraire, où le jour de la capitulation hitlérienne était célébré comme une fête nationale, on expliquait, quelquefois non sans schématisme, le IIIe Reich comme l'aboutissement de la politique de la grande bourgeoisie allemande impérialiste, sans étudier suffisamment ce qu'avait eu de spécifique ce régime politique, sans essayer de découvrir les motivations concrètes et le comportement réel des diverses couches de la population allemande.
De nombreux historiens occidentaux ont tenté de faire de Hitler et de son équipe les maîtres absolus du IIIe Reich et donc les seuls responsables, assez machiavéliques pour abuser leurs alliés (la droite conservatrice) et les évincer du pouvoir. Dans la même ligne s'inscrivent toutes les « explications » qui recourent à la fascination qu'aurait exercée Hitler, à la puissance démiurgique qui aurait émané de ce personnage. C'est passer du domaine de l'histoire à celui de la magie. Hitler et ses ministres n'ont jamais été des hommes seuls. Des forces politiques et économiques connues ne leur ont pas ménagé leur appui, même après la dissolution des partis. Aussi bien un État moderne de 70 millions d'hommes, et qui plus est un système dominant ou s'efforçant de dominer l'Europe entière, requiert-il la collaboration active de centaines de milliers de personnes : le IIIe Reich a bénéficié de la collaboration d'un corps de fonctionnaires conservateur et antirépublicain que le régime précédent avait laissé subsister.
Il est plus intéressant et plus important de rechercher pourquoi ces milliers ou ces millions de personnes ont suivi, approuvé le national-socialisme, de découvrir les intérêts que ce système politique a favorisés, d'étudier l'idéologie qu'il incarnait et propageait. Car, si l'on a pu dire qu'avant leur accession au pouvoir les nazis promettaient tout à tout le monde, il est bien évident que certaines catégories sociales ont tiré profit du IIIe Reich et que d'autres en ont été les victimes, fussent-elles parfois consentantes.
Enfin il est un autre type de « jugement » qui paraît fort contestable, celui qui consiste à distinguer dans le IIIe Reich deux périodes : l'une bénéfique, l'autre néfaste. On oppose le Hitler bâtisseur des autoroutes au chef de guerre responsable du désastre de Stalingrad et finalement de la défaite avec toutes ses conséquences. « En sa qualité de nation la plus puissante du continent, l'Allemagne [en sept. 1938] pouvait obtenir satisfaction en ce qui concernait ses légitimes revendications nationales (mais non impérialistes) et devenir le pilier oriental d'un bloc quadripartite dressé en face de la Russie bolcheviste », écrivent H. Mau et H. Krausnick, et par « légitimes revendications » ils entendent l'annexion de l'Autriche et le dépècement de la Tchécoslovaquie. Porter pareil jugement, c'est se refuser à voir que les autoroutes avaient d'abord des buts stratégiques, que toute la politique nationale-socialiste débouche sur la tentative d'instaurer l'hégémonie allemande en Europe et de soumettre les autres peuples à la loi nazie. C'est par le réarmement qu'a été résolue la crise économique, c'est vers la guerre d'agression et de conquête que toute l'économie du Reich a été orientée à partir de 1936.
D'une façon générale, pendant longtemps les historiens se sont plus attachés à étudier l'idéologie du régime dont on a bien montré la genèse et les variations, l'organisation du parti et les institutions politiques que les résultats économiques. On peut se demander si l'importance donnée par Goebbels, avec un art certain de la mise en scène, à la propagande n'avait pas précisément pour but de masquer aux yeux du plus grand nombre les problèmes économiques ou d'en détourner l'attention. En République démocratique allemande surtout, les aspects économiques du IIIe Reich ont fait l'objet d'une étude approfondie.
Peut-être a-t-on un peu trop insisté parfois sur l'irrationalité du système. S'il est vrai que Hitler maintenait volontiers côte à côte, dans les domaines diplomatique et militaire, des organismes parallèles, aux compétences volontairement mal définies de façon à s'assurer un rôle d'arbitre, il n'en reste pas moins que, tout compte fait, la machine de guerre allemande était fort bien organisée. L'extermination dans les camps d'une main-d'œuvre potentielle s'explique aussi par une contradiction inhérente au système. Ces milliers de prisonniers constituaient, certes, une main-d'œuvre possible, mais ils étaient aussi des adversaires politiques souvent irréductibles que le régime, à ce titre, s'efforçait d'anéantir.
Est-ce à dire que l'histoire du IIIe Reich ne comporte plus désormais de vastes zones de clair-obscur ou même d'ombre ?
On est assez bien informé sur la composition sociologique du Parti nazi. On sait que les classes moyennes y étaient surreprésentées et que les cadres du parti en sont issus dans leur majorité. Or le régime, en dépit de ses promesses antérieures, n'a nullement servi les intérêts de la petite bourgeoisie. Comment expliquer ce phénomène ?
Ou encore, dans le succès de la propagande hitlérienne, quelle part attribuer aux arguments nationalistes, quelle part aux arguments socialisants ? Et quelles fractions de la classe ouvrière ont cédé à cette argumentation ? (On sait qu'avant 1933 le national-socialisme a remporté ses plus grands succès dans les régions rurales à dominante protestante, alors qu'il « mordait » plus difficilement sur le prolétariat urbain et sur les zones catholiques, mais en fut-il de même après 1933 ?) Plus généralement, on n'a sans doute pas encore assez étudié en quoi le national-socialisme se distinguait des autres fascismes. Quelles étaient ses composantes nationales ?
Ce ne sont là que quelques-unes des questions que soulève ce régime.
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Écrit par
- Gilbert BADIA : chargé d'enseignement à l'université de Paris-VIII
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