TROISIÈME RÉPUBLIQUE
La crise du 16 mai 1877 et la République des républicains
Mac-Mahon se trouva en face d'une Chambre à majorité républicaine et d'un Sénat où les conservateurs l'emportaient de peu. Le suffrage universel continuait à renforcer la gauche. Les conservateurs tentèrent un coup d'arrêt avant d'être débordés : le 16 mai 1877, Mac-Mahon renvoya le président du Conseil, Jules Simon, républicain modéré et le remplaça par Broglie. Mis en minorité par 363 voix républicaines, ce dernier fit dissoudre la Chambre. Une campagne électorale agitée s'ensuivit ; Mac-Mahon prit parti, lançant dans la bataille les fonctionnaires et le clergé, alors que les républicains faisaient bloc autour de Gambetta. Ces derniers l'emportèrent de peu. Le Sénat refusant une seconde dissolution, Broglie se retira et Mac-Mahon s'inclina, puis finit par démissionner en 1879. La République ne serait pas présidentielle. Les Chambres donnèrent pour successeur au maréchal, non pas Gambetta, incarnation de la République, mais Jules Grévy, vieux républicain dont la modération rassurait. Les républicains désormais gouvernaient la République. Grévy renonçant à la dissolution, les députés renversèrent souvent les ministères qui se reconstituaient avec les mêmes personnalités, comme Charles de Freycinet ou le Vosgien Jules Ferry. Dès 1879, le Parlement rentra à Paris. En 1880, après l'amnistie accordée aux condamnés de la Commune, le premier 14 juillet fut célébré dans l'allégresse aux accents de La Marseillaise, consacrée hymne national. Grévy ne voulait pas que la République fît peur et poursuivait le ralliement des intérêts et surtout des ruraux, tenant à distance les radicaux et éloignant Gambetta du pouvoir. Ce dernier ne dirigea le ministère que de novembre 1881 à janvier 1882 sans pouvoir réaliser son rêve de gouvernement personnel et autoritaire. Sa disparition subite, à la fin de 1882, laissait un vide dans la nation. Les modérés donnèrent une vigoureuse impulsion aux travaux publics, malgré le début d'une grave crise économique (1882). Ils poursuivirent l'œuvre de rénovation de l'armée. Jules Ferry installa le protectorat en Tunisie (1881) et entreprit la conquête du Tonkin (1882). En même temps, une épuration mettait en place un personnel dévoué au régime. La légalité républicaine se définissait avec les lois sur la liberté de presse et de réunion. En 1882, chaque conseil municipal put élire le maire et ses adjoints, Paris demeurant sans mairie. Quant au droit d'association, il ne fut toujours pas instauré, le régime se méfiant des clubs et des congrégations. Toutefois, une loi de 1884 permit aux syndicats d'exister légalement, car les gouvernants désiraient se concilier cette force nouvelle.
C'est la question scolaire qui suscita les conflits politiques les plus aigus. La franc-maçonnerie, qui réunissait les républicains de tendances diverses, entendait utiliser le besoin d'instruction des classes populaires, avides d'indépendance intellectuelle et de promotion sociale, et achever la transformation de l'école primaire en service public. Donner à tous l'accès à l'instruction paraissait le moyen de résoudre la « question sociale ». Enfin, l' Église restant au service des conservateurs, assurer la laïcité de l'école publique était le moyen de combattre son influence. À l'initiative de Jules Ferry, l'école primaire publique devint gratuite, obligatoire et laïque (1881-1882), l'enseignement libre subsistant cependant. Une loi de 1886 assura la laïcisation progressive du personnel enseignant. Dès 1880, un enseignement secondaire public pour les filles était créé. La rivalité de l'instituteur et du curé allait se perpétuer tout au long de la troisième République. Mais si la droite et la gauche se définissaient par rapport à leur [...]
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Écrit par
- Louis GIRARD : professeur à l'université de Paris-IV
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