TROISIÈME RÉPUBLIQUE
Les crises de la République (1885-1905)
Le boulangisme (1885-1889)
Le régime semble usé. Ferry est détesté ; faute de candidat valable, Grévy est réélu président en 1885. Depuis la mort du prince impérial (1879) et celle du comte de Chambord (1883), le comte de Paris, petits-fils de Louis-Philippe, fait seul figure de prétendant. Les royalistes s'intitulent conservateurs et font preuve d'un dynamisme retrouvé. Unis aux radicaux, les opportunistes forment des ministères sans prestige. Mais les intransigeants, tenus à l'écart du pouvoir, redoublent de zèle révisionniste et cocardier contre la République bourgeoise. Le mouvement devient antiparlementaire. Travaillée par le socialisme naissant, divisée en blanquistes, guesdistes, possibilistes, sans parler des monarchistes, une immense opposition populaire menace de submerger la République des députés, la « République sans le peuple ». Ministre de la Guerre imposé par les radicaux, le général Boulanger, actif et intrigant, exploite le mécontentement. Il se pose en général d'« extrême-gauche », capable d'assurer la revanche en cas de nouvelle agression allemande, que l'attitude de Bismarck en 1887 force à envisager. Sa popularité le rend encombrant. Maurice Rouvier constitue, en mai 1887, un cabinet dont il élimine Boulanger. Privé de l'appui radical, Rouvier s'assure les votes des droites. Une nouvelle majorité fondée sur l'union des centres s'esquisse lorsqu'un scandale incite les conservateurs à reconsidérer leur attitude. La corruption tant reprochée aux opportunistes atteint l'Élysée. Gendre et familier de Grévy, le député Daniel Wilson se livre au trafic de la Légion d'honneur. Grévy doit démissionner (déc. 1887). Ferry est candidat à sa succession. Devant la menace d'une émeute des radicaux parisiens, le Congrès lui préfère Sadi Carnot, modéré accepté par Clemenceau et membre d'une dynastie républicaine. Quelques jours après, un fanatique blesse grièvement Ferry.
Carnot voulait poursuivre la politique de Grévy et de Rouvier. Mais Boulanger, mis à la retraite et donc éligible, entame une campagne politique avec la devise : « Dissolution, Révision, Constituante. » Il se pose en champion d'une République nouvelle, combinant l'ascendant d'un chef plébiscité, les revendications révisionnistes et les alarmes patriotiques. Le comité qui conseille le général est composé de radicaux tels que Rochefort et Alfred Naquet. Mais Clemenceau soupçonne désormais Boulanger d'être un nouveau Bonaparte. Si la « boulange » apparaît comme un parti démagogique, son chef est plein de duplicité. À l'insu de ses conseillers, pour payer sa propagande « américaine », il entre en relation avec les chefs des droites qui pensent l'utiliser pour abattre le régime. « Syndic des mécontents », le général l'emporte en 1888 dans plusieurs élections partielles, faisant l'union sur son nom des voix radicales et conservatrices, et démissionnant une fois élu pour attendre une nouvelle occasion. Sa campagne culmine à Paris en janvier 1889. Boulanger, dans la citadelle du radicalisme, écrase le candidat des républicains unis. Le général ne méditait aucun coup d'État. Il comptait être porté au pouvoir lors des élections générales de l'automne 1889, qu'il voulait transformer en plébiscite. Mais le gouvernement réagit. Le scrutin de liste, où la tête de liste fait passer son équipe, fut remplacé par le scrutin d'arrondissement dominé par les influences locales, et une loi interdit d'être candidat simultanément dans plusieurs circonscriptions. Craignant d'être arrêté, Boulanger passa en Angleterre (1er avr. 1889). Le centenaire de 1789, célébré par de multiples manifestations dont la principale était l'Exposition universelle avec l'inauguration[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Louis GIRARD : professeur à l'université de Paris-IV
Classification
Médias
Autres références
-
PROCLAMATION DE LA IIIe RÉPUBLIQUE
- Écrit par Sylvain VENAYRE
- 191 mots
- 1 média
Le 2 septembre 1870, à Sedan, la défaite des armées françaises face aux armées prussiennes sonne le glas du second Empire. Deux jours plus tard, la IIIe République est proclamée à Paris et un gouvernement provisoire est mis en place. La volonté des républicains de continuer la guerre...
-
ACTION FRANÇAISE
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Jean TOUCHARD
- 5 156 mots
- 2 médias
L'Action française est née de l'affaire Dreyfus dans une France divisée en deux camps irréconciliables, dans un pays profondément meurtri par l'annexion de l'Alsace-Lorraine et récemment humilié par les événements de Fachoda, dans une atmosphère d'angoisse, de crise et de guerre civile. Jusqu'à sa mort,... -
ANTISÉMITISME
- Écrit par Esther BENBASSA
- 12 229 mots
- 9 médias
...Révolution, le persécuteur du clergé, le fossoyeur de la religion et de la civilisation chrétiennes (accusations réactivées lors de la révolution russe). L'antijudaïsme religieux du xixe siècle est donc nettement contre-révolutionnaire, associé au clan « ultra ». Il est plus virulent que jamais sous... -
ASSOCIATION
- Écrit par Jean-Marie GARRIGOU-LAGRANGE et Pierre Patrick KALTENBACH
- 7 084 mots
La loi de 1901 était aux origines sans doute davantage une étape de la querelle religieuse qu'un progrès démocratique. Bien peu de Français se souviennent que la loi de 1901 est une loi anticléricale. Elle n'est que partiellement – pour le reste ou pour solde, si l'on veut – une loi de liberté... -
ASSOCIATION (sociologie)
- Écrit par Matthieu HELY
- 2 146 mots
Dans la France de la IIIe République, les institutions religieuses et en particulier celles de la foi catholique constituent un véritable « État dans l’État ». L’affirmation de l’État républicain va ainsi passer par une remise en cause des établissements publics du culte et des congrégations religieuses.... - Afficher les 153 références