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TROPES, musique

Chez les Grecs, tropos est employé pour harmonia, hauteur fondée sur l'octave moyenne des voix où se place le système qui est l'élément majeur de la structure musicale (latin modus). Au Moyen Âge, c'est le procédé de composition, littéraire ou musicale, qui fut à l'origine d'un répertoire immense en honneur pendant six cents ans environ, à partir du ixe siècle. Selon J. Handschin, il s'agit d'une interpolation d'une mélodie, avec ou sans texte. D'après J. Chailley, c'est une paraphrase d'un chant liturgique par addition ou substitution. On distingue, par ordre chronologique d'apparition, différents tropes.

Les tropes d'adaptation : vers 850, les moines de Jumièges (Normandie) mirent un texte, syllabe contre note, sur les vocalises de l'Alleluia, afin de mieux les retenir. La mélodie demeure telle quelle. Notker, moine de l'abbaye de Saint-Gall (Suisse), en eut connaissance et fut intéressé par cette technique qui aboutit à généraliser le style syllabique, à la façon des antiennes et des hymnes. Les incipit du Kyrie (Cunctipotens, Orbis factor, Fons bonitatis, etc.) en sont les témoins encore actuels.

Les tropes de développement : l'adaptateur développe la cellule mélodique primitive. Le texte de la liturgie est un schéma pour lui. Notker s'illustra dans ce qui fut la première forme des séquences et des proses. On aboutit, en développant le procédé, aux nouvelles séquences (Adam de Saint-Victor), où le style syllabique affirme toujours sa prédominance.

Les tropes d'interpolation : dans ces tropes, on allonge le modèle par des commentaires intercalés entre les mots de celui-ci et on compose une mélodie nouvelle. C'est une variété littéraire du trope d'adaptation. L'Ave verum est un trope d'interpolation du Sanctus.

Les tropes d'encadrement : sur un texte habituellement non modifié, on ajoute, en introduction à une pièce (sorte de prélude) ou en finale de celle-ci (post-lude), un texte mis en musique qui, pour finir, se détachera d'elle. C'est au trope-prélude Quem quaeritis (introït de Pâques) que l'on doit en partie l'apparition du drame liturgique, cellule originelle du théâtre moderne.

Les tropes d'adjonction ou de complément : quand le trope perdit toute attache avec la pièce qu'il « encadre », il devint un morceau lyrique indépendant, morceau de complément placé entre deux moments de l'office liturgique et conduisant de l'un à l'autre ; d'où la notion de conductus qui se développa, en polyphonie, au xiiie siècle. Ce trope de complément donna naissance, en outre, à des pièces lyriques (Saint-Martial de Limoges) chantées à des moments creux de la liturgie : les versus (versets ou pièces en vers), dont l'évolution profane engendra le vers des troubadours au xie siècle.

Les tropes de substitution : dans cette dernière variété de tropes, on remplace le texte liturgique par une composition nouvelle comportant seulement une allusion au contenu primitif. Le texte original est paraphrasé et obéit à des mélodies propres. Ainsi, de nombreux Benedicamus Domino devinrent des chants strophiques ; le O filii de Pâques, par exemple, composé par J. Tisserant (1494), appartient à cette catégorie.

Il existe enfin des tropes de tropes (ainsi le Regnum tuum solidum). Au xiiie siècle, des offices entiers furent tropés, ainsi l'Office de Pierre de Corbeil, dit Office des fous ou Office de l'âne. Du trope dérivent la prose, la chanson populaire profane et celle des troubadours, les jeux liturgiques (Prophètes, Adam et Ève, Sponsus), le théâtre médiéval, les thèmes des premières polyphonies.

— Pierre-Paul LACAS

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Écrit par

  • : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien

Classification

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