TROUBLES ADDICTIFS (ALCOOLISME, TABAGISME ET TOXICOMANIE)
L’usage de substances psychoactives, couramment appelées drogues, est très répandu dans le monde. Les hommes en consomment depuis des milliers d’années à de nombreux endroits de la planète. Ainsi, certains des premiers écrits sumériens attestent de l’utilisation de l’opium en Mésopotamie ancienne ; des traces de consommation de feuilles de coca datant d’il y a plus de deux mille ans ont été retrouvées dans les Andes ; le vin, boisson dionysiaque, est cité plus de 400 fois dans la Bible. À partir de ces premières consommations religieuses, festives ou médicinales assez isolées, l’usage de ces substances s’est progressivement développé sous l’influence des expansions commerciales scientifiques et humaines, notamment au xxe siècle. L’accroissement massif et diffus des consommations s’est accompagné de conséquences sociales et sanitaires conduisant à des tentatives de régulation, notamment par la prohibition des produits. Aujourd’hui, plus d’un quart de l’humanité consomme de l’alcool, dont 5 % de façon problématique, 8 millions d’individus meurent chaque année des conséquences du tabagisme et 250 millions de personnes consomment régulièrement des drogues de type héroïne, cocaïne ou cannabis.
Ces consommations à l’origine de problèmes de santé publique sont également la source d’une activité économique prospère. À titre d’exemple, en France, l’industrie de l’alcool est estimée à 25 milliards d’euros et celle du tabac à 19 milliards. Le marché du cannabis est évalué à 1,1 milliard d’euros, au sein d’un marché national des drogues illicites évalué à 2,3 milliards.
Qu’il s’agisse du tabac, de l’alcool, du cannabis, de l’héroïne ou encore de la cocaïne, ces différents produits ont en commun de modifier avec une intensité variable la manière de percevoir les choses, de ressentir les émotions, de penser et de se comporter, ce qui motive généralement leur consommation. Ils ont également en commun d’induire des dommages physiques et psychiques pouvant survenir lors d’usages expérimentaux ou non fréquents, mais surtout lorsque l’usage est régulier et important. Parmi les dommages les plus problématiques, la survenue d’une dépendance au produit est certainement la conséquence la plus connue et la plus redoutée. Historiquement, certaines dépendances telles que l’alcoolisme ou la toxicomanie ont été distinctement considérées. Elles sont aujourd’hui toutes regroupées selon une approche commune sous le terme de troubles addictifs. Ce regroupement rend compte de l’évolution des connaissances, au cours du xxe siècle, sur la complexité, mais également l’unicité des processus addictifs et des phénomènes, en particulier biologiques, psychologiques ou socio-environnementaux, qui les sous-tendent.
Afin de dresser un état des lieux de ces connaissances, les différentes définitions de ces troubles seront présentées, suivies de leur épidémiologie, des dommages associés, des modèles de compréhension, des approches de soin et de prévention des conduites addictives, en particulier celles liées à l’alcool et aux substances illicites. Les addictions aux médicaments, principalement les benzodiazépines, et les addictions sans produit ou comportementales, comme le jeu pathologique, ne seront pas abordées ici. À noter toutefois qu’elles présentent de nombreuses similitudes avec les addictions aux substances traitées ici, du point de vue de leurs conséquences, mais également de leur expression clinique et des mécanismes biologiques ou psychologiques qui les sous-tendent.
Définitions
Les troubles addictifs, l’addiction et les troubles de l’usage
Les comportements problématiques de consommation de substances psychoactives ont longtemps été décrits à l’aide d’un vocabulaire marqué par des représentations cloisonnées et souvent morales. Ainsi, les mots toxicomanie, alcoolisme[...]
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Écrit par
- Georges BROUSSE : professeur des Universités, chef de service d'addictologie et pathologies duelles, CHU de Clermont-Ferrand
Classification
Médias