TROUBLES ADDICTIFS (ALCOOLISME, TABAGISME ET TOXICOMANIE)
Les modèles explicatifs
Il est désormais admis que les addictions sont des maladies complexes et multifactorielles mettant en particulier en jeu un dysfonctionnement du système nerveux central. Depuis le début des années 2000, les travaux de George Koob et Michel le Moal pour l’approche fondamentale et de Nora Volkow pour l’imagerie ont apporté de solides contributions à la compréhension de ces troubles. Le modèle explicatif repose ainsi sur la vulnérabilité socio-environnementale pour l’initiation aux drogues et la vulnérabilité individuelle pour l’installation de l’addiction. La formule consacrée pour ce modèle pourrait se résumer ainsi : les conduites addictives sont les résultantes d’une triple interaction individu (I)/produit (P)/environnement. La connaissance de l’implication de ces trois facteurs dans la survenue d’une pratique addictive et l’installation d’une addiction présente deux intérêts majeurs : d’une part dans la mise en œuvre d’actions de prévention, d’autre part dans la prise en charge des patients.
Produit, individu, environnement
L’implication du produit dans l’installation de l’addiction est connue depuis longtemps. L’idée que « la drogue fait le drogué » et qu’il suffit de soustraire la substance de l’environnement n’est pas nouvelle et elle a fait le lit des politiques prohibitionnistes. Cette approche se retrouve d’ailleurs dans les diverses classifications historiques des drogues.
On ne peut pas occulter que les substances psychoactives possèdent des propriétés intrinsèques favorisant les addictions. Ces propriétés peuvent se décliner en trois axes selon le psychiatre Alain Morel :
– le potentiel toxique, c’est-à-dire la capacité à provoquer des atteintes physiologiques somatiques ;
– le potentiel de modification psychique, c’est-à-dire la capacité à perturber les perceptions, les cognitions, les affects et la motivation ;
– le potentiel addictif,c’est-à-dire la capacité à créer de la dépendance par une action sur le système cérébral de récompense.
Toutes les substances ne sont pas équivalentes sur ces potentiels. Par exemple, le potentiel addictif du tabac est élevé, ainsi que son potentiel toxique sur le plan somatique, alors qu’il est peu actif du point de vue psychique.
Les facteurs liés à l’environnement doivent être envisagés de façon très large. Ils peuvent être socioculturels, familiaux, liés à l’entourage. L’accès au produit est variable, selon les sociétés ou les cultures données, que l’on se place du point de vue macroscopique (à l’échelle d’un pays) ou microscopique (groupe familial, environnement sportif, scolaire…), et plus l’exposition est forte, plus le risque de consommation est élevé. Selon les sociétés et les cultures, les représentations, tolérances, us et coutumes liés à la consommation des substances psychoactives sont diverses. On pourra citer le cas de l’alcool en France, dont l’ancrage historique et symbolique (festif) est particulièrement important, avec à la clé des enjeux économiques (emplois liés à la viticulture…), sanitaires, et donc politiques quant à la régulation de sa présence dans l’environnement public (publicité, débit de boissons) et privé. La présence d’une substance psychoactive dans l’environnement socioculturel peut également évoluer au cours du temps : c’est le cas par exemple du tabac dans de nombreux pays où le législateur, depuis les années 1970, a progressivement restreint l’accès à ce produit et la possibilité de le consommer dans des lieux publics. Du point de vue de l’environnement familial, les habitudes de consommation de produits par l’entourage (acceptation, rejet) et les événements et fonctionnements familiaux (stabilité ou non) influencent les consommations de substances. Enfin, les pairs (entourage, amis) sont des acteurs majeurs dans la régulation de l’accès aux produits, notamment lors de l’adolescence. C’est à cette période,[...]
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Écrit par
- Georges BROUSSE : professeur des Universités, chef de service d'addictologie et pathologies duelles, CHU de Clermont-Ferrand
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Médias