TROUBLES DISSOCIATIFS

Dans la sémiologie psychiatrique contemporaine, le terme de « dissociation » désigne la perte partielle et transitoire de l’association habituelle entre perceptions, pensées, émotions et actions et le sentiment d'identité d'une personne.

La dissociation est un processus fréquent dans la vie quotidienne et n’est pas nécessairement pathologique. À titre d’exemple, chacun a déjà pu expérimenter l’état de dissociation légère et réversible accompagnant le fait d’être absorbé dans la lecture d’un livre, ce qui implique une certaine perte de conscience de son environnement immédiat. Parmi les symptômes dissociatifs les plus fréquents dans la population générale, notamment en cas de stress psychologique ou de fatigue, les symptômes transitoires de dépersonnalisation ou de déréalisation correspondent à un vécu d’irréalité ou de détachement vis-à-vis respectivement de soi ou de l’environnement. Ils sont spontanés, intrusifs et peuvent être « positifs », c’est-à-dire caractérisés par la présence de phénomènes normalement absents (par exemple, fragmentation de la personnalité), ou « négatifs », c’est-à-dire caractérisés par l’absence de phénomènes normalement présents (par exemple, perte de la mémoire de soi).

La dissociation n’est donc pas un phénomène nécessairement pathologique, mais peut s’observer dans des circonstances propices à l’émergence d’un trouble mental – en particulier en cas d’exposition à un événement potentiellement traumatique. Des « symptômes dissociatifs » peuvent également se manifester dans plusieurs troubles mentaux, voire caractériser certains troubles spécifiques dits « dissociatifs ».

Dissociation péritraumatique, symptômes dissociatifs et troubles dissociatifs

Lors d'une expérience potentiellement traumatique telle qu'un accident ou une agression, un état de dissociation peut survenir, ce qui est souvent interprété comme un moyen de « tolérer » ce qui serait autrement trop difficile à supporter. On parle alors de dissociation péritraumatique. Dans de telles situations, une personne peut par exemple rapporter un sentiment de détachement paradoxal vis-à-vis de l’expérience vécue, notamment sur le plan émotionnel, mais aussi physique, pouvant aller jusqu’à un vécu de la situation « de l’extérieur », comme si la personne était, en quelque sorte, extraite de son propre corps. Cet état dissociatif transitoire est souvent associé à des difficultés à se souvenir ultérieurement de certains aspects de l'expérience, sans que l’on puisse exclure qu’il soit lui-même le produit d’une distorsion mnésique.

Plus généralement, il arrive que des symptômes dissociatifs surviennent lors d’épisodes d’anxiété paroxystique, quelle qu’en soit l’origine. S’ils ne sont pas nécessairement pathologiques en soi, les symptômes dissociatifs peuvent néanmoins témoigner d’affections médicales psychiatriques, telles que le trouble panique, la dépression, les troubles de stress aigu et post-traumatique, le trouble de la personnalité borderline, ou d’affections médicales non psychiatriques, telles que certaines formes cliniques de migraine ou encore une épilepsie du lobe temporal. D’après une étude menée en 2013 sur un échantillon de 25 000 personnes provenant de 16 pays, 14 % des personnes souffrant de trouble de stress post-traumatique présentaient des niveaux élevés de symptômes dissociatifs, tels que l'amnésie et la dépersonnalisation ou la déréalisation. Ce type d’observations a conduit à définir un sous-type de trouble de stress post-traumatique caractérisé par l’occurrence de symptômes dissociatifs.

Enfin, les symptômes dissociatifs peuvent constituer les principales manifestations de troubles mentaux spécifiques. On parle alors de « troubles dissociatifs », tous caractérisés par l’occurrence fréquente,[...]