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TROUBLES DISSOCIATIFS

Trouble de dépersonnalisation/déréalisation

Le trouble de dépersonnalisation/déréalisation est défini par la survenue continue ou récurrente de symptômes de dépersonnalisation, de déréalisation, ou des deux, à l’origine d’un retentissement fonctionnel.

La dépersonnalisation se définit par l’apparition d’expériences d'irréalité ou de détachement vis-à-vis de son propre fonctionnement mental (émotions, pensées, souvenirs, etc.), de son corps ou de son identité personnelle. Une déformation de la perception du temps peut également être associée. La déréalisation se caractérise quant à elle par la survenue d’expériences d'irréalité ou de détachement vis-à-vis de l'environnement. La personne peut avoir l'impression que les choses et les personnes qui l'entourent sont irréelles, sans vie ou bien visuellement déformées. Dans la plupart des cas, ces deux types de symptômes sont présents simultanément. Ils peuvent apparaître de façon brutale aussi bien que progressive et, si leurs circonstances d’apparition sont toujours les mêmes chez certaines personnes, une grande variabilité interindividuelle existe. Des symptômes somatiques vagues sont parfois associés (par exemple, fourmillements ou sensations vertigineuses).

Les patients qui souffrent d’un trouble de dépersonnalisation/déréalisation, et plus généralement de symptômes dissociatifs, peuvent avoir du mal à décrire leurs symptômes. Pour cela, ils utilisent souvent des comparaisons introduites par des tournures de type « c’est comme si » suivies de « je vivais dans un rêve », « j’avais des sentiments, mais je ne les ressentais pas », « mes pensées n’étaient pas vraiment les miennes », « je n'existais plus (ou le monde n'existait plus », « le temps était ralenti (ou accéléré) », « je regardais la vie derrière une vitre (ou projetée sur un écran)… ». Ces tournures de phrase – qui témoignent de l’absence d’adhésion délirante au vécu exprimé – permettent typiquement de distinguer le trouble de dépersonnalisation/déréalisation d’un trouble psychotique. Même si la personne peut sembler ne pas réagir ou être dénuée d'émotion, elle est consciente du caractère inhabituel de ces expériences au moment où elle les vit. Celles-ci sont souvent vécues comme très pénibles et la personne peut volontiers exprimer la crainte d’être « folle » ou bien « en train de devenir folle ».

Le trouble de dépersonnalisation/déréalisation se distingue des autres troubles dissociatifs par le fait que les symptômes affectant la mémoire ou le sentiment d'identité sont rares et par la moindre fréquence des antécédents de traumatismes infantiles, en particulier par rapport au trouble dissociatif de l’identité. Abus et négligence émotionnels sont toutefois souvent rapportés.

Des enquêtes de grande ampleur montrent que l’occurrence de symptômes de dépersonnalisation et de déréalisation au cours de la vie entière est très fréquente dans la population générale, pouvant aller jusqu’à 75 % des personnes interrogées. Leur prévalence instantanée est de l’ordre de 2 %, mais elle peut se situer entre 31 et 66 % au moment d'un événement potentiellement traumatique. Cette prévalence est bien plus élevée en cas de trouble mental avéré, en particulier de trouble de stress post-traumatique, de dépression ou de trouble panique. En ce qui concerne le trouble de dépersonnalisation/déréalisation primaire, c’est-à-dire considéré comme indépendant d’autres affections médicales psychiatriques ou non psychiatriques, il semble concerner hommes et femmes de manière équivalente, avec une prévalence instantanée de l’ordre de 1 % en population générale et de 5 % chez des personnes consultant en psychiatrie. L’âge d’apparition médian est de seize ans et les symptômes peuvent apparaître[...]

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Écrit par

  • : professeur de psychiatrie à l'université de Paris, chef du service de psychiatrie de l'adulte de l'Hôtel-Dieu, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris

Classification

Autres références

  • STRESS AIGU ET TROUBLES PSYCHO-TRAUMATIQUES

    • Écrit par
    • 5 773 mots
    Les troubles dissociatifs de l’identité – on parlait autrefois de personnalités multiples – sont un type très particulier de troubles dissociatifs. Ils sous-tendent qu'une personne a plusieurs identités ou des personnalités distinctes appelées « alters », qui prennent tour à tour le contrôle de son comportement,...