TROUBLES DU CONTRÔLE DES IMPULSIONS
Kleptomanie et pyromanie
Les catégories diagnostiques de la kleptomanie et de la pyromanie ont été développées à partir du concept de « monomanie » créé par le psychiatre français Jean-Étienne Esquirol (1772-1840). Les monomanies étaient considérées comme des folies qui s’exprimaient dans des domaines très restreints. C’est ainsi que, parmi d’autres monomanies, la folie de voler et celle d’allumer des incendies ont été décrites par des contemporains d’Esquirol, Jacques André Matthey (1778-1842), médecin genevois, et Charles Chrétien Henri Marc (1771-1841), médecin français d’origine allemande et néerlandaise. Le concept de monomanie est aujourd’hui abandonné, mais la kleptomanie et la pyromanie sont deux affections qui ont un intérêt en médecine légale et ces mots ont survécu à travers plusieurs classifications. Avant de figurer en tant que troubles dans le DSM-III, la kleptomanie et la pyromanie étaient déjà mentionnées dans le DSM-I.
Kleptomanie
Le mot « kleptomanie » (dérivé du grec klepto qui signifie « voler ») a été introduit en 1840 dans le langage médical par Charles Chrétien Henri Marc, qui modifia le mot « klopemanie » créé en 1816 par Jacques André Matthey, pour désigner l’impulsion impérieuse de voler un objet inutile ou sans valeur. Cette caractéristique constitue le premier critère du DSM-5. Les autres critères sont la sensation croissante de tension avant de commettre le vol, la gratification ou le soulagement au moment de passer à l’acte et le fait que les vols ne sont pas commis par colère ou par vengeance et ne sont pas mieux expliqués par d’autres diagnostics comme un trouble des conduites, un épisode maniaque ou une personnalité antisociale.
Dans la kleptomanie, les vols ont habituellement une nature impulsive car ils ne sont pas planifiés longtemps ni avec l’aide d’autrui. La pulsion ou le besoin intense de voler est souvent vécu comme egodystonique, c’est-à-dire ne correspondant pas à l’image idéale que la personne a d’elle-même. Les objets volés sont habituellement jetés, thésaurisés, restitués en cachette ou bien donnés.
Selon le DSM-5, la kleptomanie est très rare dans la population générale avec une prévalence de 0,3 à 0,6 %. Elle concernerait 4 à 24 % des personnes arrêtées pour vol à l’étalage, le diagnostic différentiel avec la simulation étant ici capital dans la mesure où ces personnes peuvent feindre la kleptomanie dans le but d’atténuer leur condamnation. Le diagnostic de ce trouble est porté trois fois plus souvent chez la femme que chez l’homme.
Une étude contrôlée par placebo a mis en évidence l’efficacité d’un médicament psychotrope pour réduire les impulsions et des actes de vol (Grant et al., 2009). Il s’agit de la naltrexone, un antagoniste des opiacés, qui influence l’innervation dopaminergique du nucleus accumbens (le centre de la récompense). Malgré les lacunes de cette étude – nombre total de patients limité à 25 et une durée ne dépassant pas huit semaines alors que la kleptomanie est une affection chronique –, l’effet thérapeutique de la naltrexone est l’un des arguments utilisés dans les modèles « addictifs » de la kleptomanie (Zerbo & Deringer, 2015). Selon cette hypothèse, la pulsion à voler serait similaire au craving (envie impérieuse) des addictions.
Par ailleurs, plusieurs études de cas rapportent des effets positifs pour soigner la kleptomanie avec des antidépresseurs sérotoninergiques de type ISRS, comme la fluvoxamine, la paroxétine et l’escitalopram.
Pyromanie
La pyromanie (dérivé du grec pyr qui signifie « feu ») est le fait d’allumer à plusieurs reprises des feux de façon délibérée et réfléchie. Les personnes pyromanes éprouvent une tension ou une excitation émotionnelle avant l’acte. Elles sont fascinées par les incendies et tout ce qui s’y rapporte (les pompiers, par exemple). La pyromanie[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marc-Antoine CROCQ : médecin psychiatre, praticien hospitalier
Classification