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TROUBLES DU LANGAGE ORAL CHEZ L'ENFANT

Pour la majorité des enfants, le développement du langage se fait de manière naturelle dans une coconstruction entre les compétences cognitives langagières liées aux réseaux neuronaux, les habiletés de communication, les interactions familiales et les facteurs environnementaux, socioculturels et pédagogiques. La complexité de ce développement rend compte de la fréquence des trajets inhabituels et de leur diversité. Certains enfants ont un développement transitoirement décalé sur certains points, d’autres souffrent de troubles durables, altérant une ou plusieurs compétences. Ces troubles peuvent être isolés ou inscrits dans une autre pathologie ou un environnement précaire. Leurs sévérité, profil et évolution sont très variables. Cette grande diversité brouille l’analyse des recherches fondamentales ou des prises en charge. Les conséquences fréquemment néfastes sur l’avenir personnel, scolaire, social et professionnel de ces enfants font consensus.

En France, les connaissances sur les troubles du langage chez l’enfant ont été longtemps opaques, en raison de querelles idéologiques, jusqu’à ce que les facteurs cognitifs soient, au tournant du xxie siècle, mis en lumière grâce aux neurosciences. Un plan d’action « langage » et des recommandations claires ont amélioré la reconnaissance et la qualité de la prise en charge de ces troubles. Malgré ces avancées, de nombreuses questions persistent, et les débats sur la signification même de l’expression « troubles du langage » sous-entendent la complexité du sujet. Quatre points essentiels seront abordés : le débat sur la terminologie et son historique ; le diagnostic de « trouble spécifique du langage oral » (TSLO) et ses limites ; les facteurs en cause ; les manifestations et le pronostic.

Le débat sur la terminologie souligne la diversité des conceptions

Ce débat n’a rien de rhétorique, car, sans dénomination et définition, la plus grande confusion demeure pour interpréter les travaux scientifiques sur lesquels reposent nos connaissances et les rendre lisibles pour tous. Les troubles du langage ne sont pas une « maladie » comme le serait, par exemple, la trisomie 21, mais une situation clinique extrêmement hétérogène dans ses manifestations et son évolution. Aucune donnée des neurosciences – imagerie ou génétique – ne permet d’éclairer cette complexité.

Le premier point du débat concerne le choix du mode d’approche, qui diverge selon la discipline concernée. Une approche éducative considère les enfants au développement langagier inhabituel comme relevant de besoins éducatifs spécialisés, au sein même de l’école, sans nécessité de diagnostic ou d’évaluation cognitive précise. Ainsi, une réponse peut être offerte à tous les enfants, selon leurs besoins, sans discrimination. Mais l’absence de diagnostic risque de négliger la spécificité des besoins éducationnels de chaque enfant selon son profil cognitif et surtout les bénéfices des rééducations orthophoniques. À l’inverse, les disciplines médicales et les sciences cognitives soulignent l’intérêt d’un diagnostic précis, basé sur une évaluation pluridisciplinaire des enfants, pour mieux les prendre en charge, prescrire les soins nécessaires, appréhender leur devenir, faire avancer la recherche. Le risque est alors de « médicaliser » ce qui n’est qu’une variante de la normale. Allen Frances propose un compromis : « Si le diagnostic a une place nécessaire dans chaque évaluation, il n'en raconte pas pour autant toute l'histoire. Nous ne devons pas transformer nos “étiquettes” en réalités fermées, mais reconnaître qu'elles sont une collection de constructions diagnostiques temporairement utiles, et non un catalogue de maladies “réelles”. »L’harmonisation de ces deux approches sera au centre des perspectives d’une meilleure prise en charge[...]

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Séance d’orthophonie - crédits : BSIP/ Universal Images Group/ Getty Images

Séance d’orthophonie