TROUBLES OBSESSIONNELS COMPULSIFS (TOC)
À la frontière entre les pathologies psychiatriques lourdes – telles que les schizophrénies et les troubles bipolaires sévères – et celles réputées plus légères – comme les troubles anxieux –, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC ; OCD, en anglais, pour obsessive-compulsive disorder) sont des parents pauvres de la psychiatrie. De fait, la nécessaire prise en charge des schizophrénies, avec les secteurs et les hospitalisations sous contrainte, rend compte du poids social de la psychiatrie autant que de son poids médical. Par ailleurs, les troubles anxieux ou les troubles dépressifs légers expliquent la forte activité des nombreux psychiatres exerçant en cabinet de ville.
Anciennement dénommés « névrose obsessionnelle » – pour signifier l’ancrage des symptômes de cette pathologie au sein de la personnalité –, les TOC et leur traitement semblent encore relativement mal connus des psychiatres et, par conséquent, assez peu considérés par les laboratoires pharmaceutiques ou les fondations internationales qui financent des projets de recherche.
Les TOC qualifient pourtant une pathologie neuropsychiatrique intéressante à au moins deux titres. D’une part, leur symptomatologie clinique est généralement variée et marquée par l’intrusion obsédante : l’individu qui souffre de TOC se trouve en plein conflit entre sa pensée rationnelle et une pensée parasite qu’il tente d’évacuer, en vain, mais qu’il reconnaît cependant comme provenant de son propre appareil psychique. D’autre part, les différentes fonctions neuroanatomiques impliquées dans les TOC renvoient à des réseaux qui sont sollicités dans le processus de la motivation mais aussi dans les circuits de la mémoire procédurale, ces mêmes circuits régissant très probablement nos habitudes. Cette base neurophysiologique de symptômes psychiatriques explique en partie pourquoi les neurologues et les neurochirurgiens en sont venus à s’intéresser à cette pathologie.
Définition des TOC
Les TOC sont le produit de symptômes envahissants – les obsessions ou idées parasites –, de l’anxiété qui en résulte et des compulsions (les comportements que le sujet se sent obligé d’accomplir en réponse à l’obsession).
Prenons un exemple : Frédérique, trente-cinq ans, est envahie par des pensées concernant la contamination. Elle est quasiment convaincue que le seul fait de toucher une poignée de porte ou bien de sortir de chez elle va la conduire à être contaminée par un microbe qui risque de la rendre malade. La seule idée de la contamination la rend anxieuse ; une peur indescriptible envahit son esprit en même temps que tout son corps ressent le danger imminent, suscitant une oppression thoracique, la boule dans la gorge, l’emballement de son cœur, une difficulté à respirer, un nœud à l’estomac. Afin d’atténuer cette anxiété majeure, Frédérique pense que le lavage de mains et de son corps va permettre de réduire cette angoisse. Mais ces lavages répétés, ces compulsions ne font qu’accentuer ses pensées obsédantes de contamination. Frédérique s’enferme progressivement dans un cercle vicieux dont elle ne pourra bientôt plus sortir : le cycle obsession-anxiété-compulsion se renforce à tel point que tout autre comportement devient superfétatoire. Puis, au bout de quelques années, Frédérique ne sait même plus ce qu’elle craint véritablement. Seule la procédure de lavage est importante…
Deux signes moins visibles expliquent en partie le handicap provoqué par les TOC et leur chronicité. Le premier concerne l’incapacité à amorcer toute autre action que la compulsion, avec une fatigue initiale empêchant le sujet d’agir. Cette incapacité à pouvoir initier l’action a été caractérisée par Pierre Janet sous le terme de psychasthénie au début du xxe siècle, dans son ouvrage Les Obsessions et la psychasthénie (1903). Le second[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bruno MILLET : professeur des Universités, praticien hospitalier
Classification
Autres références
-
PSYCHOLOGIE CLINIQUE DES TROUBLES OBSESSIONNELS COMPULSIFS
- Écrit par Martine BOUVARD
- 1 065 mots
Les obsessions et les rituels sont décrits depuis très longtemps : par exemple, la scrupulosité morbide – qui peut s’apparenter à la rumination obsessionnelle – rapportée par les moines, en médecine les « monomanies raisonnantes » d’Esquirol ou encore la folie du doute notée par Legrand du Saulle évoquent...
-
PSYCHOPHARMACOLOGIE
- Écrit par Nicolas HOERTEL et Pierre LAVAUD
- 7 007 mots
...rispéridone, l’aripiprazole et l’olanzapine, ont également des propriétés stabilisatrices de l’humeur, comme nous l’avons vu. Chez les patients souffrant d’un trouble obsessionnel compulsif (TOC) sévère, les antipsychotiques atypiques peuvent être utilisés en adjonction en cas de résistance à un traitement antidépresseur.... -
PSYCHOTHÉRAPIES
- Écrit par Frédéric ROUILLON
- 7 358 mots
- 1 média
...anxieuse et aboutir ainsi à une modification du comportement par un processus d’habituation. Cette méthode est très utilisée pour soigner les phobies ou les troubles obsessionnels, en forçant par exemple le patient à toucher des objets sales ou supposés contaminés. L’immersion peut se faire en imaginant une... -
TECHNIQUES DE STIMULATION CÉRÉBRALE
- Écrit par Lila MEKAOUI
- 3 598 mots
...antérieur, alors que dans l’anorexie mentale, on vise le cortex cingulaire subcallosal. Différentes cibles ont été utilisées pour les patients souffrant de troubles obsessionnels compulsifs, avec des résultats comparables : le bras antérieur de la capsule interne, le noyau caudé, le noyau accumbens ou le noyau... -
TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES
- Écrit par Martine FLAMENT
- 7 267 mots
- 2 médias
...et les comportements d’automutilation. Des troubles de la personnalité ou certains de leurs traits sont également fréquents dans les TCA (environ la moitié des cas), notamment la personnalité obsessionnelle compulsive dans l’anorexie mentale et la personnalité borderline dans la boulimie.