- 1. Aspect historique
- 2. Épidémiologie de la schizophrénie
- 3. Clinique de la schizophrénie
- 4. La schizophrénie dans les classifications internationales
- 5. Évolution de la schizophrénie
- 6. Schizophrénie et troubles comorbides
- 7. Hypothèses étiopathogéniques et physiopathologiques de la schizophrénie
- 8. Stratégies de prise en charge
- 9. Schizophrénie et stigmatisation
- 10. Bibliographie
- 11. Sites internet
TROUBLES SCHIZOPHRÉNIQUES
Hypothèses étiopathogéniques et physiopathologiques de la schizophrénie
D’un point de vue historique, les premières hypothèses concernant la schizophrénie ont été celles d’un trouble neurodégénératif – par analogie avec la description de la maladie d’Alzheimer – comme l’évoque la notion de dementia praecox (« démence précoce ») d’Emil Kraepelin – rappelons qu’au début du xxe siècle Kraepelin et Alzheimer travaillaient tous deux au sein de la Königliche Psychiatrische Klinik de Munich et menaient leurs travaux de concert.
Rapidement, l’hypothèse physiopathologique de l’existence de modifications fonctionnelles cérébrales s’est développée, devenant dominante à partir des années 1950 et de la découverte de l’effet thérapeutique des antipsychotiques (notamment la chlorpromazine puis l’halopéridol), puis de leur interaction avec les systèmes de neurotransmission monoaminergiques. À la suite des travaux d’Arvid Carlsson, qui lui valurent le prix Nobel de physiologie ou médecine en 2000, la principale explication physiopathologique de la schizophrénie repose, depuis les années 1960, sur la notion de dysfonctionnement (hyper- ou hypo-) dopaminergique au niveau de certaines zones du cerveau.
Le développement technologique de l’imagerie morphologique et fonctionnelle depuis le dernier quart du xxe siècle a permis de mettre en évidence des anomalies structurales cérébrales chez les patients souffrant de schizophrénie, mais aussi des anomalies fonctionnelles, lors de l’expression de certains symptômes des trois principales dimensions cliniques.
Sur le plan génétique, le développement d’études d'association pangénomique (genome-wide association studies ou GWAS) dans le cadre de larges collaborations internationales permet une analyse de nombreuses variations génétiques chez un grand nombre d’individus, pour étudier leurs corrélations avec des traits phénotypiques. Les résultats les plus convaincants en termes de méthodologie montrent l’implication de multiples variants génétiques chez les sujets présentant une schizophrénie. S’il existe une vulnérabilité génétique à la schizophrénie, il s’agit donc d’une pathologie polygénique plurifactorielle.
Ce sont les modèles neurodéveloppementaux, voire des modèles mixtes neurodéveloppementaux et neuroprogressifs, qui semblent permettre aujourd’hui d’intégrer les résultats expérimentaux obtenus dans différents domaines, afin de comprendre la physiopathologie de cette maladie complexe. Dans cette modélisation, des perturbations doivent être présentes lors de deux périodes cruciales du neurodéveloppement pour qu’apparaisse le trouble schizophrénique : des lésions cérébrales précoces (périnatales) entraîneraient des dysfonctionnements neuronaux responsables des manifestations prémorbides ; les symptômes psychotiques émergeraient à l’adolescence du fait d’anomalies des processus d’élagage et d’une altération de la plasticité neuronale. Ces deux phases et les interactions observées peuvent être déclinées en de nombreuses combinaisons, soulignant le caractère multifactoriel des troubles.
Des facteurs de toutes natures – infections périnatales, traumatisme infantile, consommation de substances psychoactives, etc. – complètent les éléments contributifs de l’étiopathogénie de la schizophrénie, notamment les interactions entre gène et environnement. Les travaux de Caspi et al. (2005) ont ainsi établi que des sujets porteurs d’un polymorphisme du gène codant la COMT (catéchol-O-méthyltransférase) seraient d’autant plus exposés au trouble schizophrénique qu’ils ont été exposés précocement et massivement au cannabis.
Ces modèles ont une vertu heuristique : ils sont à l’origine de la mise en œuvre de nouvelles stratégies de prise en charge (notamment les modèles d’interventions ultraprécoces) qui font l’objet[...]
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Écrit par
- Pierre-Michel LLORCA : professeur de psychiatrie, chef de service, CHU Clermont-Ferrand, université Clermont Auvergne
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