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TROUBLES SCHIZOPHRÉNIQUES

Schizophrénie et stigmatisation

Parler de schizophrénie sans parler des représentations sociales de cette maladie et de leurs conséquences sur les patients laisserait de côté une problématique fondamentale, mais dont l’émergence n’est que récente dans nos sociétés.

Le terme « stigmatisation » fait référence à un concept multidimensionnel associant une attitude générale de l’ordre de l’injustice et du préjudice, induite par la méconnaissance d’une situation ou d’un état générant des conduites et comportements de discrimination. Dans le domaine de la santé mentale, il s’agit de toute parole ou toute action qui viserait à transformer le diagnostic d’une maladie en une « marque » négative pour la personne atteinte de cette affection. La discrimination peut se définir comme une distinction injuste dans la façon de traiter différentes catégories de personnes. Il s’agit alors de la restriction ou de l’élargissement des droits de ces personnes par rapport aux autres. Les phénomènes de stigmatisation et de discrimination peuvent être d’ordre sociétal (exclusion de la vie publique, limitation à la participation à la vie sociale), interpersonnel (mise à distance, exclusion, ségrégation) ou personnel (autostigmatisation).

Pour la personne souffrant d’un trouble psychiatrique et notamment de schizophrénie, la stigmatisation est associée à des difficultés d’accès aux soins, au logement, au travail et à un isolement social, voire une exclusion.

Deux enquêtes Ipsos menées, en France en 2009 et en 2014, pour la fondation FondaMental montrent que l'image sociale des personnes atteintes de maladies mentales est liée à la dangerosité, à la dépendance à autrui et aux difficultés de socialisation : 74 p. 100 des Français pensent que les personnes atteintes de maladie mentale représentent un danger pour elles-mêmes ou pour les autres (l’enquête de 2009 montrant que la schizophrénie était la pathologie la plus associée à la dangerosité) ; 54 p. 100 des Français estiment que ces personnes doivent être assistées dans la vie de tous les jours ; 42 p. 100 pensent que les personnes atteintes de maladies mentales ne peuvent pas assumer la responsabilité d'une famille ; 35 p. 100 des Français seraient gênés de travailler et 30 p. 100 de partager un repas avec une personne atteinte de troubles psychiatriques.

Au-delà des conséquences sociales de la stigmatisation, on observe également des effets négatifs sur le cours de la maladie. Ces résultats décevants du pronostic de la schizophrénie malgré les traitements pourraient être reliés à une stigmatisation généralisée dans la communauté, à des croyances pessimistes quant au pronostic, à un statut inférieur de la psychiatrie dans le système de santé, à un sous-financement et à une médiocre qualité de soins, à un échec dans la poursuite des réformes nécessaires après la désinstitutionnalisation, ainsi qu’à l’absence de transfert des avancées thérapeutiques vers le milieu clinique… Il s’agit donc là d’un réel enjeu sociétal, les représentations sociales ne se modifiant que lentement, qui justifie une mobilisation collective.

— Pierre-Michel LLORCA

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Écrit par

  • : professeur de psychiatrie, chef de service, CHU Clermont-Ferrand, université Clermont Auvergne

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