TROUBLES SOMATIQUES FONCTIONNELS
Principes de prise en charge
L’étape peut-être la plus importante du traitement des troubles somatiques fonctionnels consiste pour le patient et son médecin à reconnaître le diagnostic et à s’engager ensemble sur la voie d’un traitement adapté. Pour les deux parties, cette étape peut s’avérer délicate. Comment le médecin peut-il être absolument sûr d’avoir éliminé toutes les pathologies somatiques ? La question touche autant à une possible négligence qu’aux limites de la connaissance scientifique. Il est toujours possible que les symptômes soient imputables à une pathologie encore inconnue ou trop précoce pour être décelée. Le danger est de multiplier les investigations diagnostiques parfois invasives, voire les traitements d’essais qui peuvent avoir des effets secondaires, afin de parvenir coûte que coûte à un diagnostic corporel. Le patient lui aussi voit parfois d’un mauvais œil le diagnostic d’un trouble somatique fonctionnel. Il peut mal réagir lorsqu’à sa plainte corporelle est opposé un diagnostic qui ne fait pas appel à une altération claire du corps. Le plus souvent, s’il veut bien reconnaître que son trouble a un retentissement psychologique important, il se braque légitimement s’il a le sentiment que la médecine se désengage et l’abandonne à son sort.
Pour sortir de l’ornière d’un diagnostic mal accepté car mal compris, il est souvent utile de se rappeler les nombreux autres cas d’anomalies de la perception du corps. Les occasions qu’a le système cognitif de se tromper dans l’interprétation des signaux corporels sont légion. Prenons l’exemple d’une consultation chez le dentiste. Si une anesthésie locale est pratiquée, il arrive souvent que le patient ressente une partie de sa lèvre hypertrophiée, ceci alors que la lèvre n’a pas changé de forme comme en atteste son reflet dans le miroir. Un autre exemple souvent parlant est celui du membre fantôme. Certaines personnes dont un membre a dû être amputé continuent de le ressentir. Ces sensations surviennent alors que le patient sait pertinemment que son membre n’est plus réellement là ; il est clair que la perception ne correspond pas à la réalité du corps. Ces exemples peuvent aider à mieux comprendre et accepter le diagnostic de trouble fonctionnel somatique. Ils permettent aussi d’entrevoir comment un traitement efficace peut se mettre en place.
Le traitement des troubles somatiques fonctionnels fait généralement intervenir plusieurs professionnels autour d’un médecin référent, le médecin traitant ou, plus rarement, un médecin spécialiste. La coordination efficace entre les praticiens est essentielle. Parmi eux, le psychiatre peut également être sollicité, notamment pour traiter un trouble anxieux ou dépressif associé. Schématiquement, le traitement s’articule autour de deux axes principaux qui visent à favoriser un déconditionnement du système cognitif à l’origine des symptômes corporels : d’une part la thérapie cognitive et comportementale, de l’autre l’activité physique douce et régulière.
L’efficacité de la psychothérapie cognitive et comportementale est désormais établie dans le traitement des troubles somatiques fonctionnels. Un premier pan de la thérapie a pour but de mener le patient à identifier les biais cognitifs spécifiquement associés à ses perceptions corporelles, notamment les réactions catastrophistes. Le patient est invité à s’interroger sur le caractère figé et exclusif de ses croyances associées à ses symptômes. Un thérapeute pourra par exemple mener le patient à réfléchir au sujet de la dangerosité de symptômes qu’il ressent souvent depuis longtemps sans pour autant qu’une maladie grave se soit développée. Un autre aspect important s’intéresse à la façon de porter attention à son corps. Les patients atteints de troubles fonctionnels somatiques présentent souvent un biais cognitif attentionnel,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Cédric LEMOGNE : professeur de psychiatrie à l'université de Paris, chef du service de psychiatrie de l'adulte de l'Hôtel-Dieu, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris
- Victor PITRON : docteur en médecine, chef de clinique assistant, service de pathologies professionnelles et environnementales, Hôtel-Dieu, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris
Classification