- 1. Historique : un trypanosome en quête de sa maladie
- 2. Une zoonose très répandue en Amérique, une maladie humaine négligée
- 3. Nosographie et diagnostic de la maladie humaine
- 4. Un traitement en quête de progrès
- 5. La prévention par la lutte contre les insectes vecteurs
- 6. Le passage de l'animal à l'homme
- 7. La domestication puis la grande migration de « Triatoma infestans »
- 8. L'évolution contemporaine des scénarios de transmission
- 9. Bibliographie
TRYPANOSOMIASE AMÉRICAINE ou MALADIE DE CHAGAS
Le passage de l'animal à l'homme
Les données dont on dispose permettent de comprendre comment la zoonose s'est répandue dans les Amériques et dans quelles conditions la trypanosomose humaine est apparue. Après avoir exclusivement infecté les animaux durant des millions d'années, le parasite T. cruzi a été transféré récemment à l'homme, sans doute dès le peuplement de l'Amérique du Sud. Les plus anciennes momies infectées datées de 9 000 ans ont été rencontrées dans le désert de l'Atacama, dans le nord du Chili et le sud du Pérou. D'autres momies infectées datées de 7 000 ans ont été trouvées au Brésil. Certaines d'entre elles montrent des évidences physiques de signes cliniques de la maladie de Chagas. En conséquence, la trypanosomose américaine serait devenue une maladie infectieuse émergente chez l'homme dès son arrivée dans le Nouveau Monde.
Comme beaucoup de maladies émergentes, l'élément clé de son apparition chez l'homme a été un changement dans l'écologie du complexe vecteur-hôte-parasite, lui-même résultant de modifications anthropogéniques du milieu naturel qui ont permis le contact entre l'homme et le vecteur et donc la transmission du parasite à l'homme qui s'est ensuivie.
L'ancienneté de T. cruzi dans le paysage américain était supputée, du fait que les infections peu sévères observées chez certains hôtes sauvages (tatous, opossums...) contrastaient avec celles, souvent virulentes, observées chez l'homme et les animaux domestiques (chiens, chats, rongeurs muridés...) arrivés récemment de l'Ancien Monde. Classiquement ces observations suggèrent que le parasite aurait acquis, après un long processus de coévolution, une virulence atténuée chez les mammifères sauvages présents depuis des dizaines de millions d'années dans les Amériques. Cette ancienneté du parasite a été récemment confortée grâce à des études de phylogénétique moléculaire qui ont, en outre, démontré une même origine pour les différents trypanosomes de mammifères d'Afrique, d'Amérique et d'Océanie, de même que de certaines formes parasitaires présentes chez les poissons et les amphibiens. Les formes parasitaires originelles dateraient ainsi de la période antérieure à la dérive des continents durant l'ère mésozoïque (– 250 millions d'années). Aujourd'hui, T. cruzi est considérée comme une espèce unique avec une classification intraspécifique qui reconnaît deux lignages majeurs présentant une grande distance génétique entre eux (TcI et TcII) et cinq sous-lignages au sein de TcII. Cette classification, qui reflète l'histoire évolutive du parasite, retentit sur l'épidémiologie et la clinique.
La reconstruction de l'histoire naturelle ancienne d'une maladie est un travail difficile. Quand il s'agit de la maladie de Chagas, c'est un défi. En effet, la rencontre initiale de T. cruzi avec ses premiers mammifères hôtes (qui seraient des marsupiaux opossums) daterait d'au moins 40 millions d'années (Ma), alors que l'Amérique du Sud était encore connectée à l'Australie et à l'Antarctique. En revanche, l'association entre les punaises vectrices (Triatominae) et T. cruzi serait relativement récente (moins de 10 Ma). Ancien parasite et vecteurs « récents », c'est le paradoxe apparent de la maladie de Chagas.
Selon la théorie généralement acceptée, les premières formes de T. cruzi auraient initialement infecté les opossums il y a des dizaines de millions d'années sans la participation d'un vecteur. La transmission interanimale aurait été assurée par les sécrétions des glandes anales et l'urine. En effet, ces marsupiaux sont les seuls vertébrés pouvant présenter des formes infectantes du parasite dans un tissu autre que le sang (glandes anales).[...]
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Écrit par
- François NOIREAU : médecin, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement, expert à l'Organisation mondiale de la santé, Organisation panaméricaine de la santé
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