- 1. Historique : un trypanosome en quête de sa maladie
- 2. Une zoonose très répandue en Amérique, une maladie humaine négligée
- 3. Nosographie et diagnostic de la maladie humaine
- 4. Un traitement en quête de progrès
- 5. La prévention par la lutte contre les insectes vecteurs
- 6. Le passage de l'animal à l'homme
- 7. La domestication puis la grande migration de « Triatoma infestans »
- 8. L'évolution contemporaine des scénarios de transmission
- 9. Bibliographie
TRYPANOSOMIASE AMÉRICAINE ou MALADIE DE CHAGAS
L'évolution contemporaine des scénarios de transmission
On peut donc considérer que, lorsque l'homme s'est établi dans le Nouveau Monde, il a capté le parasite en s'insérant dans les chaînes de transmission qui permettaient la circulation de T. cruzi parmi les mammifères sauvages : transmission orale par consommation de viande infectée ou d'aliments souillés par des déjections de réduves ou d'opossums, et transmission vectorielle lors d'un contact occasionnel avec un triatome infecté.
La transmission du parasite allait ensuite s'adapter à l'environnement particulier de l'homme et aux modifications des conditions de vie de ce dernier. C'est la sédentarisation de certaines civilisations précolombiennes qui allait donner une inflexion décisive aux scénarios de transmission, en transformant certaines populations d'insectes en vecteurs domestiques particulièrement efficients. En effet, parmi les conséquences de la sédentarisation, l'anthropisation de plus en plus marquée des milieux naturels jouxtant les zones de colonisation humaine allait provoquer la dispersion de certaines espèces de Triatominae particulièrement en souffrance à la suite de la destruction de leur habitat originel et de la raréfaction des animaux hôtes nourriciers. Les changements du mode de vie qui allaient conduire à la création de nombreuses structures artificielles favorables aux vecteurs, à la domestication de petits animaux sylvestres (cobaye dans les Andes, oiseaux) et à l'élevage, allaient favoriser l'incursion des insectes dans les nouveaux habitats créés par l'homme (maisons et structures formant le péridomestique). Les nombreux refuges particulièrement favorables qu'allaient y trouver les triatomes (fissures dans la boue séchée, interstices entre les pierres servant à la construction, palmes servant à la construction de toits) et les abondantes sources de sang disponibles (homme, animaux domestiques et synanthropiques) allaient assurer aux insectes un environnement stable qu'ils ne trouvaient plus dans un milieu naturel profondément dégradé par l'homme. Finalement, certaines espèces de Triatominae (moins d'une dizaine) allaient entreprendre un processus de domestication plus ou moins couronné de succès. C'est donc la convivance dans les maisons de l'homme et du vecteur qui allait être à l'origine de l'augmentation de l'incidence et de l'expansion géographique de la maladie de Chagas.
Dans la seconde partie du xxe siècle, lorsque l'incidence de la maladie avait certainement atteint son paroxysme, on considérait que les trois vecteurs majeurs domiciliés (principalement Triatomainfestans, Triatomadimidiata et Rhodniusprolixus) intervenaient dans au moins 80 p. 100 des cas de transmission totale de l'agent pathogène. Les autres voies de contamination comprenaient les transfusions de sang ou transplantations d'organes de donneurs infectés, la transmission congénitale, l'ingestion de substances infectées et les accidents de laboratoire. Au début du xxie siècle, alors que les initiatives de contrôle intergouvernementales avaient conduit à une réduction significative de l'incidence de la maladie par le contrôle des populations domestiques de vecteurs et la surveillance des banques de sang, on observe que des modes de transmission autrefois considérés comme mineurs s'affichent plus clairement dans certaines régions. Bien sûr, ils existaient déjà mais étaient occultés par la voie de transmission principale qu'était la voie vectorielle. Ainsi, dans l'ensemble du bassin amazonien, la transmission orale du parasite par ingestion de nourriture contaminée (jus de fruits de palmiers, açai en particulier, mais également jus de canne à sucre) est un phénomène dont on a tardé à mesurer l'ampleur. De même, le modèle originel de contact entre l'homme et des vecteurs sylvestres[...]
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Écrit par
- François NOIREAU : médecin, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement, expert à l'Organisation mondiale de la santé, Organisation panaméricaine de la santé
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