TSUNAMIS ET SÉISMES DE SUBDUCTION
Vers une vision plus globale du risque
Les trois exemples récents démontrent la forte variabilité des ruptures sismiques géantes de subduction. Alors que les séismes courants sont de magnitude 7,5 à 8,5 et cassent des segments de faille de l'ordre de la centaine de kilomètres, les séismes géants se superposent et traversent cette segmentation. Au sein même de ces événements on voit une variabilité dans l'espace, avec un glissement se répartissant sur plus de 1 000 kilomètres à Sumatra et cassant plusieurs aspérités, et à l'opposé, une rupture très concentrée au Japon. Le séisme de Sumatra a profondément surpris car, arrivant après une période de quarante ans sans événement équivalent, il a rompu une section de la zone de subduction que beaucoup pensaient asismique et inapte à produire de grandes ruptures. Le séisme chilien était lui attendu car situé dans une lacune sismique identifiée, mais la rupture a dépassé la limite des événements plus anciens. Au nord-est du Japon, la probabilité d'un séisme de magnitude 9 n'était pas prise en compte dans les plans d'exposition au risque uniquement fondés sur l'histoire sismique récente – des séismes de magnitude inférieure à 8 – trop parcellaire. Il faut probablement remonter en l'an 869 pour trouver un événement équivalent à celui de 2011. L'évaluation était aussi altérée par une vision physique des zones de subduction qui considérait qu'elles ne pouvaient pas rompre en un seul événement depuis 40-50 kilomètres de profondeur jusqu'à la fosse. Il semble donc que les séismes géants de subduction puissent traverser les barrières standards. Ces séismes seraient moins fréquents que ceux dus au fonctionnement « routinier » de la subduction et relâcheraient les contraintes accumulées sur des périodes plus longues (de centaines à un millier d'années).
Si l'on s'attache à une vision globale donnée par la connaissance de tous les événements au plan mondial (fig. 2), ainsi qu'à la morphologie générale des zones de subduction, on ne peut plus maintenant exclure la possibilité de séismes géants sur aucune des zones de subduction du globe. Les analyses locales détaillées, qui ont montré leurs limites au Japon, doivent être reconsidérées : l'approche utilisée vise trop souvent à rechercher la plus petite source sismique à même d'expliquer les effets des séismes ou tsunamis passés, plutôt que d'explorer l'ensemble des sources possibles, y compris les plus grandes et donc les plus catastrophiques.
Sur le territoire français, pour les Antilles, sises au-dessus de la subduction Caraïbes, la même approche réductrice rendait jusque-là difficile d'envisager une rupture totale du méga-chevauchement sur plusieurs centaines de kilomètres de longueur avec un séisme de magnitude supérieure à 8 et éventuellement un grand tsunami associé. Suite à la catastrophe japonaise, cette hypothèse devra être maintenant testée de façon plus approfondie.
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Écrit par
- Robin LACASSIN : directeur de recherche au CNRS, Institut de physique du globe de Paris
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Médias