TSVETAÏEVA ou TSVETAEVA MARINA IVANOVNA (1892-1941)
Marina Tsvetaïeva est une des voix les plus fortes de la poésie russe du xxe siècle. On ne le sait pas encore ; ce n'est que dans les années 1980 que sa notoriété s'affirme en France et que Tsvetaïeva prend place aux côtés de Pasternak, Maïakovski, Mandelstam, Akhmatova, ses contemporains. Cette longue méconnaissance (son premier recueil important ne paraît à Moscou qu'en 1965) est un des signes de l'isolement tragique qui a marqué d'un bout à l'autre son itinéraire : l'affrontement cruel d'une personnalité lyrique passionnée qui ne répondait qu'à la dictée de son tempérament et de l'époque révolutionnaire avec ses exigences d'engagement idéologique.
Pour rejoindre son mari, ancien officier de l'Armée blanche, Tsvetaïeva quitte son pays en 1922 et vivra dix-sept ans d'exil – dont quatorze en France – dans des conditions matérielles et morales douloureuses.
Elle ne se reconnaît nullement dans les milieux littéraires de l'émigration qui, d'ailleurs, la rejettent. À propos de son œuvre, Pérékop, elle écrit à son amie tchèque, Anna Teskova : « Personne n'en veut. Pour la droite c'est trop à gauche quant à la forme, pour la gauche c'est trop à droite quant au contenu. » Saluée par les symbolistes à ses débuts, son œuvre participe du tourbillon créateur des années révolutionnaires, bien que Tsvetaïeva n'ait adhéré à aucun des courants poétiques constitués au début du xxe siècle (acméisme, futurisme, etc.).
C'est, paradoxalement, de Maïakovski – lui qui incarne la figure légendaire du poète révolutionnaire – que Tsvetaïeva est le plus proche, par son lyrisme monumental, l'intransigeance de son éthique, la dimension orale de sa poésie, le goût du matériau sonore et la pulvérisation des rythmes traditionnels.
En France, Tsvetaïeva résume ainsi sa tragédie : « Ici je suis inutile. Là-bas je suis impossible. » Exilée de partout, incomprise de ses proches (sa fille et surtout son mari, rapidement devenu prosoviétique, ne songent qu'à regagner le « sol natal »), accueillie en étrangère lors de son retour à Moscou en 1939, Marina Tsvetaïeva se suicide en 1941. Elle n'a jamais failli à sa tâche poétique, qu'elle considérait, romantiquement, comme la suprême instance, et a construit envers et contre tout une œuvre de feu avec l'opiniâtreté des grands solitaires.
« La musique et le musée »
Fille de l'historien d'art Ivan Tsvétaïev (fondateur du musée des Beaux-Arts, l'actuel musée Pouchkine à Moscou) et de Maria Mein, pianiste de talent, Marina Ivanovna Tsvetaïeva naît à Moscou le 26 septembre 1892. Fière de ses origines nobles (sa mère descend de princes polonais), Tsvetaïeva y voit le signe d'une vocation pour la rébellion chevaleresque.
Ainsi que sa sœur Anastassia, de deux ans sa cadette, Marina Tsvetaïeva est initiée très tôt à la musique et à la poésie – les deux passions de sa mère. Celle-ci rêvait que sa fille devînt musicienne et la première école de Marina fut une école de musique. Même précocité linguistique et poétique : à six ans elle parle le russe et l'allemand, à partir de sept ans le français ; ses premiers vers sont écrits à l'âge de six ans. De son père, Marina Tsvetaïeva tient la tenacité et la passion du travail. « Les deux leitmotive de la maison, dit-elle, sont la musique et le musée. »
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Écrit par
- Ève MALLERET : agrégée de russe, professeur au lycée Évariste-Galois de Sartrouville
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