TUBERCULOSE MULTIRÉSISTANTE
Les bactéries tuberculeuses résistantes aux antibiotiques
Depuis le début des années 1990, la lutte contre la tuberculose s'est donc compliquée. Selon l'OMS, en 2011, 3,7 % des nouveaux cas et 20 % des rechutes étaient dus à des bacilles tuberculeux résistants à plus de deux des antibiotiques du traitement standard, appelés bactéries multirésistantes (MDR pour multi drugresistant). Ces cas sont majoritairement localisés en Asie (Inde et Chine), en Russie et en Afrique du Sud. La fréquence de MDR parmi les malades tuberculeux est la plus élevée en Russie et en Asie centrale. La prise en charge des malades atteints par ces bacilles MDR est plus longue, plus coûteuse et exige également une période d'isolement.
La sélection de M. tuberculosis résistantes – et cela demeure un problème constant de l'antibiothérapie pour toute bactérie – a préoccupé à plusieurs reprises la communauté médicale. L'examen de la fréquence des articles relatifs à ce problème montre un pic de publications au début des années 1950, puis un autre centré autour de la fin des années 1960. Ce sont ces travaux qui ont permis l'ajustement progressif du traitement. Mais la préoccupation actuelle, celle qui est liée aux bactéries MDR, apparaît brusquement en 1990. Les premiers articles sont des études épidémiologiques menées au sein des populations carcérales de Russie et d'Asie centrale. Ils montrent des taux de tuberculose pouvant atteindre en certains lieux 90 % des détenus et des incidences de MDR très importantes. Les enquêtes révèlent par ailleurs que la sélection des formes multirésistantes est bien due à l'inobservance des protocoles, à la faible disponibilité et la distribution aléatoire des médicaments, ainsi qu'à l'entêtement mis à poursuivre un traitement inefficace – en pratique, on peut dire qu'un traitement inadapté est pire que l'absence de traitement. Ces enquêtes n'ont été rendues possibles qu'après la constitution de la Fédération de Russie. Les taux mesurés en 1990 indiquent cependant que la multirésistance était déjà la règle dans le monde pénitentiaire soviétique. Certes, le milieu carcéral est partout un facteur de propagation de la tuberculose, mais la difficulté à suivre un traitement correct dans l'espace pénitentiaire soviétique a ajouté, à un tableau déjà gris, l'ombre de la sélection de la multirésistance. C'est ce qui explique certainement la prévalence initiale des bactéries MDR en Russie et en Asie centrale.
À cette difficulté déjà considérable s’ajoute la survenue en Russie, en Chine et en Afrique du Sud surtout, depuis les années 2010, de bactéries dites extensively-resistant ou XDR, ou même fullyresistant, qui sont résistantes à la majorité voire à la totalité des antibiotiques antituberculeux classiques. En Europe de l'Est, la proportion de bactéries XDR parmi les MDR est de l'ordre de 15 %. La prise en charge de ces cas est extraordinairement difficile et coûteuse. Les temps d'hospitalisation en isolement peuvent atteindre plusieurs mois et la disparition des bacilles chez le malade est difficile à obtenir. Le nombre de ces cas est en augmentation. La moitié de ces malades n'avait pas été soigné antérieurement pour une tuberculose : il s'agit de nouvelles contaminations à partir de sujets malades présents dans la population.
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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Médias