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TUBERCULOSE MULTIRÉSISTANTE

Le premier antituberculeux depuis quarante ans

La multirésistance de bactéries n'est pas une spécificité de la tuberculose. Un autre cas bien connu de résistances multiples sélectionnées au fil des traitements est celui du staphylocoque doré. La seule réponse serait la découverte de nouveaux antibiotiques. Or le nombre de ces derniers mis sur le marché est en déclin et il n'y a eu aucune molécule antituberculeuse nouvelle depuis quarante ans. La mise à la disposition des hôpitaux du SirturoTM, actif contre les bactéries tuberculeuses résistantes, vient – peut-être – modifier le paysage.

Le SirturoTM produit par les laboratoires Janssen Therapeutics est une diaryl-quinoline – la bedaquiline – et appartient donc à la famille des quinolines. Des molécules de cette famille existent dans la nature et sont utilisées en médecine, la plus connue étant la quinine, utilisée dans le traitement du paludisme. Plusieurs diaryl-quinolines ont été testées comme antibactériens depuis 2005 dans des systèmes modèles. Certaines, dont le SirturoTM, se sont révélées actives contre le bacille tuberculeux, qu’elles détruisent. Ces molécules agissent en réduisant la fourniture d'énergie utilisable par la cellule, par blocage de la pompe à protons d'une ATP synthase bactérienne. Chez l'homme, plusieurs essais cliniques ont montré qu'elles étaient actives sur la tuberculose à MDR et XDR. Du fait de la gravité de la multirésistance, l'usage du SirturoTM a été approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) à la fin de 2012, selon une procédure accélérée, et admis dans la pratique hospitalière. Les molécules sont réservées au traitement de tuberculose à MDR et à XDR. Elles sont administrées sous contrôle médical direct. Les effets secondaires – atteintes cardiaques et de la sensibilité au toucher ou à la vue – sont fréquents. Il est ainsi recommandé de n’avoir recours au SirturoTM qu’en cas d’échec des autres médicaments antituberculeux. Le SirturoTM (bedaquiline) est utilisé en association avec d’autres médicaments qui possèdent une relative activité contre la souche bactérienne considérée. Un premier essai thérapeutique au niveau populationnel, mené par Médecins sans frontières (MSF) en 2020 en Biélorussie, Ouzbékistan et Afrique du Sud, a montré que l’administration de bedaquiline associée à la prétomanide, le linézolide et le moxifloxacine pendant six mois à des sujets MDR conduit à la guérison dans 90 % des cas (absence de bacille et de signes cliniques) contre 50 % chez des sujets MDR traités avec un protocole standard de l’OMS. On peut donc conclure, du fait de la gravité des affections traitées et de l'importance qu'il y a à limiter les contaminations interhumaines, que la balance d’un tel protocole est largement positive pour les sujets et pour la collectivité. L'introduction de ce nouveau protocole court (six mois au lieu de vingt) et efficace ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt : le nombre d'antibiotiques nouveaux réellement utiles décline régulièrement. Ce déclin a des origines complexes. Le coût du développement en est une, associée au faible nombre de cibles thérapeutiques potentielles identifiées. On peut espérer que la comparaison systématique des génomes et la modélisation des cibles plausibles viendront combler ce manque.

— Gabriel GACHELIN

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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Bacille tuberculeux - crédits : Dr. George Kubica/ CDC

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Ruines du camp de Pevek - crédits : Jacques Langevin/ Sygma/ Getty Images

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