TUBERCULOSE
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La tuberculose résistante
La TB résistante constitue une menace pour la santé publique, entraînant une baisse des taux de guérison, un accroissement du taux de mortalité et des coûts de traitement très élevé. Pour ces raisons, la lutte contre l’antibiorésistance et la recherche sur la TB résistante sont devenues une priorité internationale.
Toujours en 2022, on estimait que 410 000 personnes dans le monde avaient développé une tuberculose multirésistante (MDR-TB pour multidrug resistant tuberculosis : résistance à la RIF et à l’INH) ou une résistance à la RIF (RR-TB). Sur ce nombre, seulement 2 personnes sur 5 environ auraient reçu un traitement. La proportion estimée de personnes souffrant d’une MDR-TB ou d’une RR-TB était de 3,3 % parmi les nouveaux diagnostics et 17 % parmi les personnes déjà traitées antérieurement. Trois pays rassemblaient 42 % de l’estimation du nombre global de personnes développant ces deux types de résistance en 2022 : l’Inde (27 %), les Philippines (7,5 %) et la Fédération de Russie (7,5 %) ; parmi les personnes atteintes de TB, la proportion la plus élevée de celles ayant développé une RR-TB ou une MDR-TB se trouvait en Russie, dans plusieurs pays de l’Europe de l’Est et en Asie centrale. Dans un monde confronté à des mouvements de populations – voyages ou flux migratoires –, il est probable que la carte mondiale de la TB résistante subisse des changements importants dans les années à venir, n’épargnant plus aucun pays.
L’apparition de souches résistantes date des années 1990, et la première utilisation du terme MDR-TB (multidrug resistant tuberculosis) de 1992. À cette époque, un rapport du CDC (Center for Disease Control) d’Atlanta essaie de faire un recensement des cas de résistance aux États-Unis ainsi que de leurs causes et tente de mesurer le défi qu’ils posent en termes de santé publique. L’étude porte sur les deux médicaments de première ligne, l’INH et la RIF. Au début de 1991, 13,3 % de prélèvements sont documentés comme résistants à l’un des deux produits et 3 % aux deux. Plusieurs foyers apparaissent entre 1990 et 1992 dans des hôpitaux, des consultations externes, avec une fréquence particulière en milieu carcéral, parmi les sans-abri et les immigrés. Deux origines possibles de cette résistance sont envisagées : la résistance acquise chez le malade, ou la contamination par un bacille déjà résistant. L’obligation de recourir à des molécules de seconde ligne telles que les aminoglycosides, les fluoroquinones, la cyclosérine, et l’acide para-aminosalicylique a compliqué la prise en charge de ces patients, augmentant la durée des traitements, qui sont aussi beaucoup plus onéreux et potentiellement plus toxiques.
Les études systématiques en Europe sont postérieures. En 1997, puis 1999, les taux de résistance observés en Europe de l’Ouest sont faibles (0-9 % à l’INH ; 0,2-1 % à la RIF ; 0 à 2,1 % de MDR-TB), essentiellement chez des personnes d’origine étrangère (90 %) et souvent chez des sujets traités antérieurement. L’incidence de la MDR-TB est forte dans les pays de l’ex-Union soviétique, et particulièrement élevée dans les Pays baltes (environ 15 %). Le caractère inquiétant de ces données indiquait l’urgence des mesures à prendre et la nécessité d’inclure les études de résistance dans le protocole de surveillance de la maladie. Il soulignait aussi l’urgence à trouver d’autres médicaments efficaces.
Les mécanismes qui conduisent à la résistance du BK aux médicaments antituberculeux sont les mêmes que pour les autres micro-organismes. De manière simplifiée, on parlera de la « variation génétique », qui est un phénomène attendu, et de sélection de souches résistantes lors de l’exposition « inappropriée » aux antituberculeux. En effet, l'application, depuis de nombreuses années, de schémas thérapeutiques standardisés à des populations de BK présentant des degrés variables de résistance aux antituberculeux a conduit à la sélection de mutants résistants à un nombre croissant d’antibiotiques. On suspecte une TB résistante devant une mauvaise évolution chez les patients déjà sous traitement, en cas de contact avec un patient atteint d’une TB résistante et en cas de séjour dans un pays où les TB résistantes sont endémiques. Certaines conditions sociales, affectant non seulement le risque de contracter une TB, mais également l'accès et l'adhésion à un traitement approprié, conduisent malheureusement souvent à un échec attendu, participant ainsi au développement de la résistance.
Comme le schéma thérapeutique utilisé pour le traitement des TB multisensibles n’est pas adéquat pour contrôler les TB résistantes, la détection rapide de la résistance aux médicaments par les techniques moléculaires est cruciale pour contrôler leur transmission. De même, une séparation des patients tuberculeux présentant des profils de pharmacorésistance différents est conseillée pour éviter une surinfection par des souches de BK plus résistantes aux médicaments.
Un défi majeur pour éradiquer la TB résistante est le développement de schémas thérapeutiques plus courts, plus sûrs et plus efficaces, avec des médicaments dotés de nouveaux mécanismes d’action, qui pourraient également ultérieurement remplacer le régime de première intention de la TB multisensible afin de tendre vers des schémas universels.
La durée du traitement des patients atteints de TB résistante n'est pas encore clairement définie et les conditions liées à l’hôte et au statut de résistance du BK influencent fortement la réponse au traitement. Ici encore, des biomarqueurs qui permettraient de définir la durée optimale du traitement se révéleraient d'un grand intérêt.
Initialement, le traitement d’une TB résistante pouvait en effet durer entre six et vingt-quatre mois, impliquant plusieurs médicaments entraînant potentiellement des effets secondaires graves, notamment au niveau cardiaque, neurologique ou hépatique. Depuis les années 2010, l’approbation de plusieurs médicaments pour le traitement de la TB résistante (bédaquiline, prétomanide, linézolide) a marqué le début d’une nouvelle ère avec des schémas thérapeutiques plus courts, améliorant considérablement le pronostic pour ces patients. À la suite de l’utilisation de ces nouvelles molécules, l’OMS a revu en 2020 les définitions des TB résistantes et a approuvé l’utilisation de nouveaux schémas thérapeutiques entièrement oraux, d’une durée de six mois, pour traiter les personnes atteintes de RR-TB, MDR-TB et pré-XDR-TB (ultrarésistance, entre autres à la fois à la RIF, à l’INH et aux fluoroquinolones). Néanmoins, pour accroître la disponibilité de tels schémas thérapeutiques, il faut renforcer l’approvisionnement et l’accès à de tels médicaments.
Dans des conditions optimales où le suivi du patient et le soutien psychosocial sont assurés, et si les méthodes diagnostiques ainsi que les médicaments sont disponibles, le taux de guérison sans rechute de la TB résistante pourrait ne pas différer de celui des patients atteints de TB sensible : en 2022, les taux de réussite de traitement de la TB résistante se sont améliorés jusqu’à 63 % pour les personnes atteintes d’une MDR/RR-TB par rapport à 88 % pour les personnes traitées pour une TB multisensible.
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Écrit par
- Jean Cyr YOMBI : professeur, chef de service de médecine interne et maladies infectieuses aux cliniques universitaires Saint-Luc de Bruxelles (Belgique), coordinateur du centre de référence VIH/SIDA
- Émilie DUPONT : infectiologue au sein du service de médecine interne générale et maladies infectieuses du Grand hôpital de Charleroi (Belgique), consultante externe aux cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles (Belgique)
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