TULSĪ-DĀS (1550 env.-1623)
À la dévotion de Rāma et de Kṛṣṇa
Tulsī-Dās a laissé une douzaine d'œuvres tenues pour authentiques, quoique de chronologie incertaine. Parmi ses œuvres de jeunesse, il faut sans doute compter le Jānakī-mangal et le Pārvatī-mangal, décrivant l'un le mariage de Rāma et de Sītā, l'autre celui du grand dieu Śiva avec la Fille-des-Monts, Pārvatī. Plusieurs collections de padas, ou courts poèmes en langue braj, semblent au contraire appartenir à la dernière partie de sa vie : la Gītāvalī (ou Padāvalī Rāmāyaṇa), la Kṛṣṇa-Gitāvalī et la Vinaya-Patrikā, auxquelles on peut ajouter le Hanumān-Bāhuka.
La tradition veut que Tulsī-Dās se soit très tôt adonné, sur l'incitation de son guru (dont il ne donne pas le nom), à l'invocation prolongé et fervente du nom sacré de « Rām » et qu'il ait aussi conçu une dévotion particulière à Rāmacandra, le héros de la vieille légende, déjà considéré comme un avatāra du dieu Viṣṇu. Au culte de Rāma est toujours associé celui de sa fidèle épouse Sītā, parfois représentée comme la manifestation de la śakti (« énergie ») du Brahman suprême manifesté en Rāma. En fait, la dévotion vichnouite de Tulsī-Dās n'est pas sectaire : il a célébré tour à tour Śiva et Pārvatī ; le singe divin Hanumān ; la rivière sacré, la Gangā, à laquelle Rāma lui-même rend hommage ; le dieu Ganeśa, fils de Śiva, qui préside au début de toute entreprise, et la déesse des arts et des lettres, Sarasvatī. Fidèle à la tradition brahmanique orthodoxe, Tulsī-Dās fait au grand dieu Śiva, Seigneur de l'univers, une place toute particulière – mais il le présente en même temps comme le plus illustre des dévots de Rāma dont il ne cesse de répéter le nom sacré : la dévotion de Śiva pour Rāma est fortement soulignée. Quant au dieu Viṣṇu, dont Rāma lui-même est censé être un avatāra, il joue un rôle assez effacé dans l'œuvre de Tulsī-Dās, tout au moins en tant que divinité distincte de ses deux principales manifestations humaines, Rāma et Kṛṣṇa.
Les références aux divers avatāras de Viṣṇu sont très nombreuses dans l'œuvre de Tulsī-Dās, particulièrement dans la très belle collection de prières en langue braj qui porte le nom de Vinaya-Patrikā (« Lettre de pétition »). On y trouve d'assez fréquentes allusions à la geste krishnaïte. De plus, un petit ouvrage, la Kṛṣṇa-Gītāvalī, est entièrement consacré au dieu-pasteur, Kṛṣṇa-Gopāl. Mais, s'il est certain que Tulsī-Dās, avec toute la tradition indienne, aime à s'attendrir sur les enfances de Kṛṣṇa-Gopāl, l'érotisme qui imprègne une grande partie de sa légende ne l'a aucunement attiré. Tulsī-Dās n'est pas réellement krishnaïte : c'est à la haute et pure figure de Rāmacandra que vont son admiration et sa ferveur – et c'est lui qu'il a célébré dans le Rāmacaritamānasa.
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Écrit par
- Charlotte VAUDEVILLE : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
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