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TULSĪ-DĀS (1550 env.-1623)

Le « Rāmāyaṇ »

Le Rāmacaritamānasa en langue avadhī est une œuvre imposante déjà par ses dimensions : plus de dix mille longs vers en stances composées chacune de quatre caupāīs et un dohā, forme narrative par excellence. De temps en temps, une strophe lyrique enjolive le récitatif, essentiellement destiné à être psalmodié. Quant à l'inspiration et à la perfection du style, le Rāmāyaṇ est un chef-d'œuvre : on ne peut guère le comparer qu'au célèbre commentaire versifié de la Bhagavad-Gītā en vieux marāṭhī, la Jñāneśvarī du poète Jñāneśvar (fin xiiie s.). Le Rāmāyaṇ hindi jouit auprès des masses hindoues d'une immense popularité : mine inépuisable de proverbes, il est partout abondamment cité et pieusement commenté. D'innombrables éditions en sont vendues pour un prix très modeste (parfois avec une paraphrase en langue locale) sur les étals des foires, dans les ruelles des bazars, aux portes des temples. Beaucoup d'humbles foyers n'ont jamais possédé d'autre livre : c'est vraiment, comme on l'a appelé, la « Bible de l'Inde du Nord ».

La tradition populaire qui ne connaît de Valmīkī que son nom et sa légende, voit en Tulsī-Dās un autre Vālmīki, ou même la réincarnation de ce dernier : comme le dit l'hagiographe Nābhā-dās dans la Bhakta-mālā (« Guirlande des dévots [vichnouites] ») : « Pour le salut de tous les êtres, en ce pervers âge Kali, Vālmīki est devenu Tulsī... »

Partagé lui aussi en sept livres, ou kanḍạ, le Rāmāyaṇ hindi suit, dans l'ensemble, la version valmikienne de l'antique légende – mais il est loin d'être une simple adaptation de la vieille épopée sanskrite. Il s'agit plutôt d'un long poème composé par un ardent dévot de Rāma à la louange de son Dieu : c'est essentiellement une œuvre de bhakti, c'est-à-dire de foi et de dévotion. Non seulement la nature divine du héros, son identité avec le Brahman suprême qui est aussi Bhagavān (l'Adorable), est partout affirmée, mais la tendresse et la compassion de Rāma pour tous les êtres, si misérables et pécheurs qu'ils soient, sont constamment mises en relief. Le poète entremêle son récit d'hymnes passionnées à la grandeur et à la bonté divines. Et ce ne sont pas seulement les dévots qui sont l'objet de la grâce divine : les méchants et les démons eux-mêmes n'y échappent pas. Ainsi les furieux assauts que se livrent Rāma, assisté par ses légions de singes, et les formidables Rākṣasas, qui ont pour chef Rāvaṇa, sont décrits non sans complaisance : ce sont des torrents de sang qui coulent de part et d'autre, des cadavres qui s'amoncellent ; néanmoins, tous ces cruels démons seront finalement sauvés ; même le funeste Rāvaṇa, que la sensualité et l'orgueil ont perdu, trouvera son salut dans le coup de grâce que lui portera son divin adversaire et mourra en criant le Nom qui sauve. Tous les êtres impurs et méchants ne sont-ils pas, finalement, les victimes du tout-puissant Destin ? Et n'est-ce pas la gloire de Rāma de les sauver tous ? Seul Indra et toute la troupe des dieux semblent rester à l'écart de cette pluie de bénédictions : le pieux auteur du Rāmāyaṇ apparemment n'éprouve que mépris pour ces divinités arrogantes, bornées, avides d'offrandes et bassement intéressées qui peuplent le ciel hindou. Ce sont les peuples de la terre, y compris les animaux et les plantes – sans oublier les démons – que Rāma est venu sauver, et ce salut ne peut être autre chose que l'union de leur « âme » à l'Âme universelle.

Le Rāmāyaṇ comporte des longueurs, principalement dans le dernier livre qui est presque entièrement didactique. Mais, dans l'ensemble, l'œuvre est remarquablement vivante et variée, d'une admirable fraîcheur.[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)

Classification

Autres références

  • HINDĪ LANGUE & LITTÉRATURE

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