TUNISIE
Nom officiel | République tunisienne (TN) |
Chef de l'État | Kaïs Saïed (depuis le 23 octobre 2019) |
Chef du gouvernement | Ahmed Hachani (depuis le 1er août 2023) |
Capitale | Tunis |
Langue officielle | Arabe |
Unité monétaire | Dinar tunisien (TND) |
Population (estim.) |
11 965 000 (2024) |
Superficie |
163 610 km²
|
La Tunisie indépendante
Bourguiba, le père de la Tunisie moderne
Le triomphe du « zaïm »
En 1956, la Tunisie accède à l’indépendance, ce qui ouvre une période de trois décennies au cours de laquelle Habib Bourguiba marque le pays de son empreinte. Pourtant, au moment de l’indépendance, il n’est pas le seul à pouvoir prétendre incarner la légitimité nationaliste. Sa popularité, mais aussi les relations qu’il a réussi à établir avec la puissance coloniale qui l’a aidé à éliminer ses adversaires, lui ont permis de s’imposer à la tête du nouvel État indépendant.
Bourguiba n’a pas participé à la naissance du mouvement nationaliste, qui s’est structuré en 1920 autour du parti Destour, mais à la scission qui a donné naissance, en 1934, au Néo-Destour qu’il a présidé à partir de 1938 et qui incarnait une ligne nationaliste plus intransigeante. Les accusations de compromission avec l’Allemagne qui frappent les cadres du Destour en 1945 profitent à leurs adversaires du Néo-Destour, en position de négocier avec Paris l’autonomie interne (1955), puis l’indépendance de la Tunisie (1956). Profitant d’un contexte régional favorable – début de la guerre d’Algérie, reconnaissance de l’indépendance du Maroc en 1955 (déclaration de La Celle-Saint-Cloud) –, il réussit à s’imposer comme l’interlocuteur de la France pour négocier directement avec elle l’indépendance de la Tunisie.
Afin de jeter le discrédit sur la famille régnante, Habib Bourguiba met en avant l’inertie et l’anachronisme de la gestion beylicale. Il reproche également à la dynastie husseinite son caractère « exogène » et son personnel politique constitué d’étrangers ou de « semi-étrangers » selon l’expression de Robert Mantran… Il accuse la cour de corruption et dénonce les hésitations du monarque face à l’autorité coloniale. Mais le bey se trouve dans une position très inconfortable, faute d’une définition claire de ses attributions : il est redevable devant ses sujets, tout en dépendant des décisions prises par le résident général. En 1952, alors que la violence est à son comble (arrestations des militants nationalistes, tortures…), le résident général contraint Lamine Bey à promulguer des réformes municipales qui donnent aux Français les mêmes prérogatives qu’aux Tunisiens. Pour les nationalistes et Bourguiba, cette promulgation est une trahison.
À la légitimité dynastique du bey, il tente d’opposer sa propre légitimité populaire, grâce à son charisme et à son talent qui lui permettent d’établir une relation particulière avec le peuple. Pour écarter la dynastie beylicale, il s’appuie sur le Néo-Destour et l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), qui lui ont permis de mettre en place des réseaux et des solidarités entre le peuple et les élites instruites.
Après la signature des conventions franco-tunisiennes d'autonomie interne en juin 1955, un conflit virulent l’oppose à son principal rival, le secrétaire général du Néo-Destour : Salah ben Youssef. Opposé aux accords d’autonomie, celui-ci veut que la Tunisie intègre la nation arabe tout en s’encrant dans l’islam. Ses vues séduisent les arabophones et les nationalistes arabes que le projet pro-occidental et laïc de Bourguiba inquiète. Elles rassurent les conservateurs et les propriétaires terriens, qui craignent les bouleversements économiques et sont attachés aux valeurs de l’islam. Mais la rivalité entre les deux hommes est avant tout une lutte pour le pouvoir, en même temps que l’affrontement de deux modèles de société. Ben Youssef a rejeté toutes négociations avec la France et la stratégie des étapes pour libérer le pays du joug colonial, alors que Bourguiba a fait le choix du pragmatisme, de la légalité et du respect des traités signés. Le radicalisme de Ben Youssef – considéré comme un nationaliste arabe et soutenu par Nasser – amène[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Michel CAMAU : professeur des Universités en science politique
- Roger COQUE : professeur des Universités, professeur émérite à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
- Jean GANIAGE : Professeur d'histoire contemporaine à l'Université-Paris-IV-Sorbonne
- Claude LEPELLEY : chargé d'enseignement à l'université de Lille
- Robert MANTRAN : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
- Khadija MOHSEN-FINAN : politologue, chercheuse associée au laboratoire SIRICE, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Médias
Autres références
-
TUNISIE, chronologie contemporaine
- Écrit par Universalis
-
AFRIQUE (Histoire) - Les décolonisations
- Écrit par Marc MICHEL
- 12 424 mots
- 24 médias
Au moment où la Libye accédait à l'indépendance et allait grossir les rangs du groupe afro-asiatique à l'O.N.U., les questions marocaine et tunisienne faisaient irruption sur cette même scène dans des conditions infiniment plus dramatiques. Les positions de départ avaient été clairement affirmées... -
AFRIQUE ROMAINE
- Écrit par Noureddine HARRAZI et Claude NICOLET
- 9 564 mots
- 10 médias
...en main fut affirmée par les opérations d'arpentage, réalisées par les agrimensores, auxquelles furent soumises différentes portions de ce territoire. On distingue trois systèmes principaux couvrant la plus grande partie de la Tunisie actuelle où se situent les exemples les mieux connus. Du nord au... -
ALGÉRIE
- Écrit par Charles-Robert AGERON , Encyclopædia Universalis , Sid-Ahmed SOUIAH , Benjamin STORA et Pierre VERMEREN
- 41 835 mots
- 25 médias
Le FLN ayant établi ses bases arrière en Tunisie, l'aviation française décide d'y pourchasser les « rebelles » algériens et, le 8 février 1958, bombarde le village tunisien de Sakiet Sidi Youcef. Il y aura de nombreuses victimes civiles. La France se retrouve isolée sur le plan international, souvent... -
BEN SALAH AHMED (1926-2020)
- Écrit par Pierre SPITZ
- 1 033 mots
Homme politique et syndicaliste tunisien.
Né le 13 janvier 1926 dans une famille de la petite bourgeoisie de Mouknine, dans le Sahel tunisien, Ahmed ben Salah se lance, ses études terminées, dans l'action syndicale. Il se révèle rapidement comme un animateur de l'Union générale des travailleurs...
- Afficher les 44 références