- 1. La prototypographie
- 2. D'Alde Manuce à Robert Estienne
- 3. Du romain du Roi aux Didot
- 4. Révolution et romantisme
- 5. L'ère industrielle et l'Art nouveau
- 6. Débuts du design et « synthèse des arts »
- 7. Vers une Nouvelle typographie
- 8. Traditions britannique et française
- 9. Crispation idéologique et perpétuation du modernisme
- 10. Le recours à la tradition
- 11. Bouleversements technologiques et diversités graphiques
- 12. Réseaux, flux, numérisation
- 13. Le triomphe du numérique
- 14. Bibliographie
TYPOGRAPHIE
« Celui qui grave ou taille les caractères est un graveur, celui qui les fond est un fondeur, et celui qui les imprime est un imprimeur ; mais il n'y a que celui qui réunit la science des trois parties que l'on puisse appeler un typographe », écrivait le dessinateur de caractères et imprimeur Pierre-Simon Fournier le Jeune (1712-1768) dans son Manuel typographique en 1764-1766. Le terme « typographie » désigne jusque-là le procédé d'impression sur papier des formes en relief mobiles. L'acception plus large qu'en propose Fournier devient par la suite coutumière. De nos jours, l'art du dessin de la lettre et celui de la composition de la page peuvent être qualifiés comme relevant de la typographie – même si les acteurs en sont différents – et, par extension, toute mise en espace de la lettre, du livre au quotidien de presse écrite, jusqu'aux sites Internet. En ce sens, la typographie va de pair avec le graphisme. Longtemps demeurée artisanale, avant qu'elle ne s'engage dans l'ère de la mécanisation, la typographie s'est sensiblement développée grâce aux dispositifs de la photocomposition, puis grâce aux technologies numériques qui, depuis deux décennies, ont bouleversé ses modes de production et sa pratique.
La prototypographie
Le procédé de reproduction par pressage de lettres mobiles, mis au point vers 1445 à Mayence par Gutenberg, s'accompagne de la création d'un moule à fondre les caractères qui assure leur multiplication et leur remplacement. L'imprimerie concurrence dès lors la copie manuelle des codex réalisée dans les monastères. Vers 1449, pour l'impression de la Bible à 42 lignes, Gutenberg déploie un appareil typographique de près de 300 lettres, capitales, majuscules et signes divers gravés sur le modèle de l'écriture gothique, laquelle, dans ses diverses variantes (textura, rotunda, bâtarde), perpétue l'image du codex médiéval.
Cependant, en Italie, une écriture dite humanistique, destinée à la transcription des classiques de l'Antiquité, naît des recherches des lettrés de la Renaissance et marque une rupture avec l'époque médiévale. Konrad Sweynheim ( ? – 1477) et Arnold Pannartz ( ? – vers 1476), anciens compagnons de Gutenberg installés à Subiaco, au sud de Rome, gravent les premiers caractères romains inspirés de cette écriture. Puis, à Venise, le Français Nicolas Jenson (1420-1480) perfectionne un caractère qui portera son nom, considéré comme l'archétype des « humanes » à l'origine de la lettre moderne.
La conception de ces types romains s'inscrit dans une rationalisation de la typographie qui bouleverse l'organisation même du livre. C'est à Venise qu'on imagine la page de titre et le foliotage des ouvrages, ainsi que la création des lettrines typographiques, et non plus manuscrites, ouvrant les chapitres. Les pays germaniques se placent à l'écart de cette évolution et perfectionnent l'écriture gothique, avec les variantes dites schwabacher et fraktur qui dominent la typographie dans cette aire jusqu'au xxe siècle.
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Écrit par
- Michel WLASSIKOFF : historien du graphisme et de la typographie, diplômé en histoire de l'École des hautes études en sciences sociales, Paris
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