- 1. La prototypographie
- 2. D'Alde Manuce à Robert Estienne
- 3. Du romain du Roi aux Didot
- 4. Révolution et romantisme
- 5. L'ère industrielle et l'Art nouveau
- 6. Débuts du design et « synthèse des arts »
- 7. Vers une Nouvelle typographie
- 8. Traditions britannique et française
- 9. Crispation idéologique et perpétuation du modernisme
- 10. Le recours à la tradition
- 11. Bouleversements technologiques et diversités graphiques
- 12. Réseaux, flux, numérisation
- 13. Le triomphe du numérique
- 14. Bibliographie
TYPOGRAPHIE
Crispation idéologique et perpétuation du modernisme
Dès le début des années 1930, les détracteurs du modernisme s'emploient à déconsidérer l'« affreux cubisme » qui, des arts plastiques à la typographie, défigure selon eux l'esprit national. En France, Paul Iribe pourfend les tenants du « cube Europe » et prône le retour à l'arabesque. En Allemagne, la montée du nazisme s'accompagne de la stigmatisation de l'« art dégénéré » et de toutes ses applications. Les caractères romains doivent s'effacer devant l'écriture gothique. La fermeture du Bauhaus prélude à l'exil de nombreux créateurs, dont Moholy-Nagy et Herbert Bayer (1900-1985) qui vont perpétuer la leçon de l'école à Chicago à partir de 1938. Jan Tschichold (1902-1974), contraint de se réfugier en Suisse, renie la Nouvelle typographie à partir de 1937, après avoir « découvert des parallèles très choquants entre [celle-ci] et le national-socialisme », c'est-à-dire une vision totalitaire et discriminante du monde.
Pour satisfaire à leurs principes de conquête mondiale, et sans plus se préoccuper de questions nationales, les nazis décrètent l'abolition des caractères gothiques en janvier 1941, au motif qu'ils seraient d'« origine juive ». L'alphabet romain est, paradoxalement, proclamé « écriture normale allemande ».
Cependant, les écoles suisses, renforcées par l'apport des réfugiés allemands, perpétuent la leçon de la Nouvelle typographie. À Zurich, Ernst Keller (1891-1968), et à Bâle, Emil Ruder (1914-1970), mettent au point une méthodologie fondée sur le gabarit modulaire – la systématisation du blanc insufflant un rythme soutenu à la page – et sur l'emploi exclusif de caractères géométriques sans empattement. Cette méthodologie s'impose dans la communication visuelle et donne naissance au « style typographique international », ou style suisse. Directement inspirés par ces préceptes, Edouard Hoffmann et Max Miedinger (1910-1980) publient le caractère Neue Haas Grotesk en 1954 (rebaptisé Helvetica en 1960), et Adrian Frutiger (1928-2015), l'Univers en 1956, en une série de vingt et une déclinaisons spécialement conçues pour la photocomposition.
Le style suisse apporte des réponses efficaces à la demande croissante d'une typographie intégrée aux préoccupations du design. Il est soutenu par l'école d'Ulm, fondée en 1953 par Max Bill (1908-1994), et par la revue Graphisme actuel, créée en 1958. De jeunes graphistes suisses popularisent dans le monde les nouveaux types qui en résultent, les bouleversements technologiques des années 1950-1960 leur donnant toute opportunité de les expérimenter.
Aux États-Unis, grâce à l'enseignement des créateurs immigrés – Albers, Bayer, Sutnar, etc. –, les graphistes et typographes ont intégré les leçons du modernisme. Ainsi, à partir de 1956, Paul Rand (1914-1996), responsable de la ligne graphique d'IBM, réalise un immense travail d'identité à partir d'un logotype unificateur, dessiné en City, caractère créé par Georg Trump (1896-1985) en 1930. Une des plus importantes agences de design graphique américaines, Chermayeff & Geismar Associates, fondée en 1957, développe des identités typographiques notables pour la Chase Manhattan Bank (1959) ou pour Mobil Oil (1964-1965).
En Italie, une voie propre au modernisme se constitue autour de Giovanni Pintori (1912-1998), directeur du service design graphique d'Olivetti de 1950 à 1967. Une pléiade de graphistes, comme Egidio Bonfante (1922-2004), Franco Bassi, Leo Lionni (1910-1999), participe à l'élaboration de l'identité de l'entreprise, bâtie sur la création de plusieurs alphabets de machine à écrire et pour lesquels œuvre notamment Cassandre (Nuova Pica et Graphika 81). À la fonderie Nebiolo, le directeur artistique[...]
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Écrit par
- Michel WLASSIKOFF : historien du graphisme et de la typographie, diplômé en histoire de l'École des hautes études en sciences sociales, Paris
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Média
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